Si la mort correspond au décollement du corps et de l'âme, elle est aussi, pour les vivants de We bought a zoo, un décollement entre l'image et la parole. D'un côté nous avons une photographie publicitaire, ou du moins standardisée : une luminosité insolente, des plans qui se succèdent comme un diaporama i-Tunes et des animaux qui pourraient aussi bien, comme un personnage le fait remarquer, servir de fond d'écran. Les apparences, dans leur évidence même, ne sont plus que muettes - à la manière des animaux de zoo, que nous regardons dans le blanc des yeux. Car devant cette réalité de purs reflets mélancoliques (la lumière de l'ordinateur et de ses fantômes projetée sur les lunettes de Matt Damon) le langage est inopérant et vidé de son sens. Autre versant de cet état de deuil : les personnages ne parlent plus le langage du monde, ils y sont étrangers. C'est Benjamin confronté au tigre, ou confronté à son fils même, sans savoir leur parler.
lundi 16 avril 2012
We bought a zoo, de Cameron Crow
Si la mort correspond au décollement du corps et de l'âme, elle est aussi, pour les vivants de We bought a zoo, un décollement entre l'image et la parole. D'un côté nous avons une photographie publicitaire, ou du moins standardisée : une luminosité insolente, des plans qui se succèdent comme un diaporama i-Tunes et des animaux qui pourraient aussi bien, comme un personnage le fait remarquer, servir de fond d'écran. Les apparences, dans leur évidence même, ne sont plus que muettes - à la manière des animaux de zoo, que nous regardons dans le blanc des yeux. Car devant cette réalité de purs reflets mélancoliques (la lumière de l'ordinateur et de ses fantômes projetée sur les lunettes de Matt Damon) le langage est inopérant et vidé de son sens. Autre versant de cet état de deuil : les personnages ne parlent plus le langage du monde, ils y sont étrangers. C'est Benjamin confronté au tigre, ou confronté à son fils même, sans savoir leur parler.
jeudi 12 avril 2012
2 jours dans le slip de Vincent Gallo
samedi 31 mars 2012
Qualités d'un film superficiel - Les adieux à la reine, de Benoît Jacquot
mardi 6 mars 2012
Langue de cheval - War horse, de Steven Spielberg
jeudi 9 février 2012
Ray Ruby’s Paradise lost - Go Go Tales d’Abel Ferrara
lundi 30 janvier 2012
La Belle de Moscou, de Rouben Mamoulian - la danse comme possession
L'enchantement de la comédie musicale consiste à élargir toujours le champ de cette paradoxale possession. Il y a d'abord le corps du danseur, ensuite chacun de ses membres, puis une ou plusieurs partenaires, et enfin tous les éléments du décor. Dans un amusant duo de Fred Astaire avec une starlette hollywoodienne, la danse semble même procéder des récentes innovations technologiques du cinéma : le technicolor et le son stéréo sont cités puis mimés. La dimension érotique du paradoxe est omniprésente : ainsi quand Fred Astaire glisse à la sublime Cyd Charisse "I want to handle even heart and soul of you", c'est comme le pendant du "I got you under my skin" qui n'est jamais dit, mais clairement joué dans les numéros de danse qui suivent.
La relation aux choses induite par la comédie musicale tient à l'animisme pur et simple. Tout d'abord, le corps, le cadre, le décors sont systématiquement découpés en fragments ou en objets distincts. Pour danser, il faut accepter de donner son indépendance à telle ou telle partie du corps, et d'attribuer à chaque parcelle du décor un motif de désir particulier et inédit. Il y a dans la comédie musicale un nécessaire mouvement de réification, qui permet en retour de retrouver l'esprit des choses, leur âme : ce qui, littéralement, les anime. La Belle de Moscou est habité par ce fétichisme joyeux, qui cristallise notamment autour des jambes. Ce sont celles, d'abord, de Fred Astaire, puis les jambes d'un mannequin dans une vitrine, puis celle enfin de Cyd Charisse. Le numéro de danse où Ninotchka s'habille en occidentale reflète parfaitement ce fétichisme : elle joue avec les vêtements qu'elle s'apprête à mettre, donne vie aux chaussons et aux bas qu'elle tient dans ses mains. L'objet participera toujours d'une harmonie capable de posséder celui ou celle qui danse.
dimanche 29 janvier 2012
The Descendants, d'Alexander Payne
mardi 24 janvier 2012
J. Edgar, de Clint Eastwood - un cinéma à veiller les morts
Cette fois-ci, il a presque éteint la lumière, comme s'il fallait veiller les morts. La photographie si sombre de J. Edgar a cette vertu de limiter le champ de vision : de rabattre toujours le regard sur ce qui vient en premier, sur ce qui est le plus évident. Une façon de marcher, de jeter un œil à la fenêtre, l'emportera toujours sur une vision politique ou un secret d'état. Peut-être est-ce là la faiblesse du film - il n'y a pas de point de vue sur le personnage de Hoover - mais il est sûr, parallèlement, que c'est son atout : avant d'être ceci ou cela (parano ou visionnaire), Hoover n'est qu'une transition corporelle de la jeunesse à la vieillesse.
jeudi 19 janvier 2012
Putty Hill, de Matthew Potterfield
Putty Hill, sortie le 24 janvier chez E. D. Distribution
lundi 9 janvier 2012
Take Shelter, de Jeff Nichols - vertiges de la pesanteur
Car percevoir et déchiffrer, sentir et ressentir, sont bien les seules activités qui vaillent dans Take Shelter. Le monde est exclusivement composé de signes, auxquels il s’agit de répondre par une exploration de l’étendue et de la profondeur des sens. C’est en tout cas le quotidien de cette famille où, la petite fille étant sourde-muette, on utilise le langage des signes. L’harmonie du foyer semble tenir à la fragilité de cette langue secrète qu’ils se sont appropriés. A l’approche de la catastrophe, Curtis devient pourtant indéchiffrable pour ses proches : ses gestes ne constituent plus qu’une série de comportements erratiques, au mieux arbitraires, au pire obsessionnels. Le film n’est plus alors qu’une somme de séquences et d’actions opaques. A partir de là, le mouvement de crise et de recomposition de la famille, qui traverse tout le film, est magnifique. Avec la délicate Jessica Chastain, jouant l’épouse de Curtis, le dialogue redevient sensoriel, les propos redeviennent sensés.
vendredi 30 décembre 2011
Comment savoir, de James L. Brooks
Comment savoir Extrait 1 par toutlecine
Il y a de même un comique purement graphique dans cette autre séquence montrant O. Wilson et R. Witherspoon rentrant d'une soirée barbecue, sous un parapluie. Le parapluie noir est filmé du dessus, laissant apparaître un pas sur deux l'assiette de brochettes que notre bon sportif n'a pu s'empêcher d'emporter avec lui. Le brio de ces plans biens peaufinés fonctionne aussi, en effet, dans la mesure où il joue avec des personnages apparemment archétypaux : une blonde à états d'âmes, un businessman en crise, un sportif un peu benêt.
Les dialogues, au lieu de prolonger cette forme de rigidité initiale, font au contraire de chaque scène des situations façonnables par les personnages. Au-delà même de l'espace laissé aux créatures par un montage et une réalisation simples (architecture minimaliste, en quelque sorte, ou du moins sans effets inutiles : ce qu'on qualifie souvent de "classique" dans le cinéma de Brooks), l'art des dialogue devient pour les protagonistes une opportunité de prendre en main la dramatisation de leur propre vie. Le personnage de Reese Witherspoon passe son temps à rater puis à corriger ses sorties : elle sort d'une pièce, ou quitte un arrêt de bus, puis revient pour reformuler son propos - et donner à la scène une seconde chance. Car il y a toujours une seconde chance pour les personnages de Brooks. Voici un étrange scénariste qui, jamais grisé par l'harmonieux fatalisme du récit, semble déléguer son pouvoir aux personnages, comme à autant de porte-paroles. A eux, ensuite, de répéter - pour toujours mieux dire et pour toujours mieux faire. La quête du bonheur devient une quête d'harmonie dramatique où, par exemple, le personnage de Paul Rudd peut supprimer une réplique de sa partenaire en lui collant la main sur la bouche, ou se mettre à courir pour ne pas entendre ce que son père a à lui dire.
COMMENT SAVOIR : EXTRAIT 1 VOST HD (How do you... par baryla
Cette fluidité de la mise en scène des dialogues - et de la mise en scène par les dialogues - n'empêche pas de savourer le caractère inéluctable de l'instant, qui fait son inaccessible présence (où "présence" signifie "dans le présent"). Il y avait cette belle scène, dans Spanglish, où le personnage d'Adam Sandler, écoutait, assis, les confidences de son interlocutrice : celle-ci avait décidé que la conversation prendrait fin au moment où elle poserait les pieds au sol. Ce qu'elle finit par faire, non sans avoir lancé un définitif et poignant "I love you" - délicieux moment étiré, étiré encore, puis clôturé de manière irrévocable. En un sens, l'inéluctabilité des choix, des décisions et du temps qui passe n'est elle-même valable que quand elle est invoquée comme nécessaire par l'un des personnage. La seule manière de réagir pour l'autre - pour celui qui voit et qui écoute - est un respect qui le tient à distance, le réduit au statut de spectateur. Magnifique dramatisation de l'instant que l'on retrouve, dans Comment savoir, au moment où le père voit son fils rejoint par la femme qu'il aime (il sait que cette situation le condamne, mais il la contemple tout de même, en spectateur ému).
Cette double manière de s'incliner devant la beauté unique (non reproductible) du moment, et de vouloir cependant le rejouer et le reprendre à son compte, est bien figurée par la scène de la maternité. Un homme déclare sa flamme à la mère de son enfant, demandant au personnage de Paul Rudd de tenir la caméra. Bien sûr celui-ci fait une mauvaise manip et oublie de filmer. Le personnage de Reese Witherspoon prend les choses en main et leur propose de rejouer la scène, donnant à la situation une nouvelle couche de signification : transformant par le jeu et la mise en scène sa propre empathie de spectatrice. C'est ainsi que respire, dans Comment savoir, la rareté du bonheur : à jamais perdu, in-imprimable sur pellicule, il ne s'approche que dans le travail d'hésitation, de répétition, de développement que les acteurs entreprennent.
jeudi 29 décembre 2011
Shame, de Steve McQueen - quand il n'y a pas de rapport sexuel
lundi 19 décembre 2011
Top cinq 2011
Top 2011*
* Dans l'ordre : Tree of life, Tintin et le secret de la licorne, Super 8, Real Steel, La Piel que habito
Hugo Cabret - Martin Scorsese : voyage à travers le cinéma défunt
lundi 5 décembre 2011
Gentleman Jim

lundi 28 novembre 2011
A Dangerous method, de David Cronenberg - ou le sexe intelligent

samedi 19 novembre 2011
The Wire
Une série continue de résister à la marche des saisons. The Wire, dont la cinquième et dernière saison date de 2008, fait aujourd’hui l’objet d’un ouvrage collectif intitulé The Wire – Reconstitution collective. Comme son nom l’indique le livre est collectif, rassemblant des contributeurs venus d’horizons divers – éditeurs, universitaires, critiques. Comme son nom l’indique encore, il s’agit d’une espèce d’enquête par reconstitution, reprenant saison par saison la série créée par David Simon. L’occasion est toute trouvée, avec trois ans de recul déjà, pour se demander ce qui a fait de The Wire, Sur écoute en VF, l’une des séries américaines les plus fascinantes.
Avant tout, la série se caractérise par un rythme qui n’appartient qu’à elle. De longs épisodes de près d’une heure, douze à treize épisodes par saison. Et à l’intérieur de l’épisode, une tension continuelle entre la description et l’action. Le plus court chemin d’un bout de la saison à l’autre, ce n’est pas une ligne droite, mais un sentier sinueux où l’on s’arrête souvent, où l’on fait des rencontres. Vous l’aurez compris, les scénaristes de The Wire (David Simon, donc, et Ed Burrns) ne sont pas du genre à utiliser le cliffangher de fin d’épisode. A vrai dire, on n’est pas captivé immédiatement par The Wire, il faut bien trois ou quatre épisodes pour qu’une histoire s’impose, naturellement, singulièrement. Emmanuel Burdeau, co-auteur et co-éditeur du livre, localise très précisément le déclic, l’instant où le spectateur commence à être séduit. Sur une scène de crime, deux des personnages principaux, Bunk et et McNulty lâchent des « fuck », « fuck me », « mother fucker », moitié las et moitié interloqués par les indices qu’ils passent en revue. Il y a dans cette scène à la fois la fatigue de l’investigation toujours identique et les prémisses d’une intrigue enfin tangible – mais surtout, se cristallise une manière rigoureuse et désinvolte de concevoir l’enquête. Et une manière inédite, par là même, d’envisager la série policière.
Si Simon et Burns instaurent ce rythme si spécial, c’est pour laisser du champ au contexte et aux personnages. Chaque saison fait vivre un lieu et ses protagonistes. La première saison est centrée sur le trafic de drogue dans les « corners » de Baltimore, avec le gang d’Avon Barksdale. La seconde saison déplace l’intrigue vers les docks et les pratiques douteuses d’un syndicat ouvrier en fin de règne. Nous revenons, pour la troisième saison, aux cités de Baltimore où seront mises en concurrence deux figures de la pègre : Avon Barksdale et son lieutenant Stringer Bell. Puis les saisons 4 et 5 investissent des lieux et des sujets plus variés, allant du trafic de la drogue à l’éducation publique américaine, sur fond d’ascension politique du jeune Tommy Carcetti. Bref, on s’aperçoit que si The Wire prend autant son temps, c’est pour donner aux espaces leur profondeur et aux personnages leur épaisseur. On se retrouve avec des seconds rôles fascinants qui pourraient à eux seuls justifier l’existence de la série. Le personnage d’Omar Little, par exemple, est un bandit en même temps qu’un justicier. Homosexuel flamboyant, il passe les trois premières saisons à chasser les tortionnaires de son amant.
Les lieux sont observés d’un point fixe, une pièce délabrée : l’endroit où travaille une brigade de police spécialisée dans la mise sur écoute. Les personnages emblématiques de cette équipe sont les inspecteurs Jimmy McNulty, Kima Greggs ou Lester Freaman. Ce dernier, le plus âgé et le plus sage, met à jour le tableau des hiérarchies et ramifications découvertes grâce aux écoutes. Cette relation d’observation entre les policiers et les dealers pourrait évoquer le rapport que le spectateur entretient avec l’univers de la série. Petit à petit, il découvre de nouveaux personnages et voit se tisser les liens qui les rassemblent. Les saisons se construisent ainsi : de nouveaux personnages apparaissent sur le tableau, d’autre sont rayés. De nouvelles lignes se tracent entre les uns et les autres.
Car, jusque dans cette esthétique de l’obstacle et de la pesanteur, The Wire est d’une incroyable ambition. Jean-Marie Samocki, l’auteur du chapitre sur la saison deux, pointe à juste titre la visée balzacienne de la série : en empruntant le format du feuilleton tel qu’il pouvait exister au XIXème siècle, et en faisant se croiser des personnages hantés par leur désir et leurs ambitions, il dresse un portrait de la ville américaine des années 2000. Même si La Comédie humaine version Baltimore est bientôt grignotée par l’enfer de l’administration. Le désir des personnages est vite fatigué par un monde en déclin, par une ville fantomatique et par une économie industrielle en train de rendre l’âme. Avec la démonstration, dans les chapitre trois et quatre, de l’impossibilité essentielle de toute réforme des institutions, on bascule de la comédie humaine à la tragédie antique, dont les technocrates seraient les dieux cruels.Pourtant, les écoutes en elles-mêmes ne sont pas très présentes dans The Wire. Moins qu’on pouvait l’attendre, en tout cas, pour une série qui s’appelle Sur Ecoute. Outre le labyrinthe administratif qui s’impose pour chaque mise sur écoute, le procédé en lui-même atteint rarement sa cible : prudence des dealers, quiproquos, font que la majorité des écoutes ne mène nulle part. La brigade n’est pas même une structure pérenne : elle est souvent menacée de dissolution, quand elle n’est pas simplement dissolue, à la fin de la saison 3 et pendant une bonne partie de la saison 4. Ces écoutes sont donc bien à l’image de la série elle-même : l’intrigue est ténue, sans cesse mise en cause, sans cesse détournée de son but. Il y a une esthétique de l’obstacle – naturel ou technocratique – dans The Wire. Tant mieux, au fond, si l’enquête n’avance pas assez vite pour toutes les raisons du monde : faire connaissance avec D’Angelo, jeune Barksdale qui doute de sa vocation de dealer, ou alors explorer successivement l’industrie des docks et la mairie de Baltimore.
C’est pour cette raison que l’analyse politique, faite notamment au chapitre trois par Kieran Aarons et Grégoire Chamayou, laisse un peu rêveur. Il est question dans ce chapitre de la création officieuse d’une zone de tolérance pour la drogue, appelée Hamsterdam. Plutôt que de voir dans cette histoire un propos politique – que le créateur de la série, David Simon soutient probablement en interview – nous préférerons y deviner une « fable sans morale ». L’expression, utilisée par l’un des contributeurs, est pleine de vérité pour The Wire. La série fourmille en effet de ces histoires qui ne mènent nulle part, de ces fables qui, au lieu d’avoir une fin, donnent lieu à un spectacle confinant au fantastique. Ainsi les drogués qui sillonnent Hamsterdam deviennent à l’écran des sortes de zombies, déambulant dans cette cour des miracles comme les survivants d’un monde dévasté. En somme, l’intérêt véritable de The Wire se situe quelque part par là : entre le document analytique, le roman et un spectacle qui s’offre naturellement au renouveau du genre.
The Wire – reconstitution collective, Ouvrage dirigé par Emmanuel Burdeau et Nicolas Vieillescazes, Cappricci/Les Prairies ordinaires, 20€
vendredi 18 novembre 2011
Cinq questions sur le numérique

jeudi 17 novembre 2011



mercredi 16 novembre 2011
Les chaussons rouges

Merci à Cinetrafic pour ce DVD des Chaussons rouges
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Les Chaussons rouges, de Michael Powell, disponible en DVD et BluRay depuis le 9 novembre 2011.