lundi 2 novembre 2009

Little Odessa, de James Gray



Pour savoir à quoi ressemble Little Odessa, il faut s'imaginer Antoine Doinel jeté dans le quartier enneigé de Brighton Beach, sanctuaire de la mafia russe - l'endroit qui donne au film son titre. Antoine Doinel, c'est Edward Furlong, un adolescent à la mine candide, qui fait son école buissonnière à vélo. Il fuit une atmosphère familiale plombée par la maladie de sa mère, la dureté de son père et l'absence de son frère enrolé dans la mafia. Les intenables retrouvailles avec ce tueur à gage de frère, voici justement ce que raconte le premier film de James Gray.

Deux regards silencieux sont confrontés. Le premier, ouverture du film, est celui du tueur. Le second est celui de l'enfant redécouvrant, avec ce tueur, le lien du sang. Mais dire cela, c'est déjà trahir le silence qui de part en part traverse le film - percé ici et là par des psalmodies slavonnes. Car la première qualité de ce film, c'est ce recul, cette retenue qui ceint les instants les plus dramatiques. Comme si James Gray avait le souci de ne pas révéler plus que ce qui se joue sous nos yeux - ou plutôt, de ne rien signifier en surplus de ce qui se passe dans chaque plan. Difficile de dater ce film de 1994, qui se passe probablement dans les soixante-dix: l'effet de distance et de mystère met perpétuellement le doute sur le temps et le lieu.

Une forme de recueillement, donc, qui donne à Little Odessa une atmosphère religieuse somme toute pas incohérente avec ce dont il est question: la mort de la mère ou le pouvoir du père, violemment contesté dans un élan sacrilège, le revolver au poing. Une atmosphère pas incohérente non plus avec l'esthétique cinéphile déployée, nous en avions parlé à propos de La Nuit nous appartient. Il y a en effet quelque chose comme l'embaumement d'un regard déjà promis à la mort et à la cendre (le feu final). Aussi ne faut-il pas s'étonner que Reuben, le petit frère, soit tué à travers un écran blanc, qui est déjà son linceul.

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