mercredi 13 mai 2009

Gaslight, de Cukor - Eclairage au gaz pour yo-yo émotionnel


Bêtement je m'attendais à une comédie. A la place j'ai eu un thriller qui fait penser à Soupçons ou à Rebecca. Et la présence d'Ingrid Bergman, qui n'avait pourtant pas encore à l'époque tourné avec le bon maître du suspens, ne fait que conforter l'impression hitchcockienne. Elle partage l'affiche avec Charles Boyer, dans ce film de Cukor qui date de 1944. Charles Boyer, qui était surtout pour moi l'écrivain hongrois drôle et détaché du Cluny Brown de Lubitsch, prend ici un sacré nouveau visage (même si, merci google, je m'aperçois que Gaslight précède Cluny Brown dans la date de sortie).


A l'effacement - le flegme amusé et bonhomme de Charles Boyer version Lubitsch - succède le regard d'un manipulateur. De spectateur ironique, il devient le metteur en scène pervers de la folie de Paula, le personnage de Bergman. Les expressions composées pour le marivaudage, l'accent français, le magnétisme de son regard sont vite les procédés d'un mystificateur. Ingrid Bergman, en face, est plus belle que jamais, le visage torturé par la lumière et les ombres, ce qu'elle croit être la folie et qui n'est qu'un jeu d'éclairages.

Le yo-yo émotionnel que parvient à susciter Gregory chez Paula est à la fois celui d'un personnage et d'un spectateur de cinéma. Mais c'est aussi, surtout, la manière d'un sorcier qui veut redonner vie à la mort - et en l'ocurrence il s'agit d'habiter la maison de la morte pour achever de la tuer dans les tourments de sa nièce. Et l'on se dit que, comme dans les plus grands films de suspens et dans les plus grands films à actrice, il y a ce jeu avec la mort. Le jeu d'un acteur et d'un metteur en scène. C'est Rebecca, la morte qui vient hanter le couple des vivants, mais c'est aussi James Stewart essayant de recréer la Kim Novak de ses rêves. Ici les bijoux ne sont qu'un prétexte, une diversion hitchcockienne, pour hanter encore la maison de la morte et en faire réentendre les voix, revivre les spectre.

5 commentaires:

  1. Hugues de Calbiac13 mai 2009 à 15:43

    A première vue, la similitude avec Rebecca est en effet troublante. Les lieux tout d'abord : Le retour des jeunes époux dans la demeure anglaise "hantée" après une idylle sur les bords de la méditérannée.

    L'évolution psychologique des jeunes épouses est similaire: tout d'abord amoureuses et confiantes puis tourmentées, affolées même, par les incertitudes qui pèsent sur le passé de leur mari.

    Cependant, le parallèle s'arrête là, car on ne retrouve pas la fascination qu'exerce le personnage de Rebecca. Présente dans les pierres brûlantes de Manderley , dans les passions exprimées (des domestiques de Manderley), ou reffoulées (de Mr de Winter), Rebecca de Winter est bien plus que le fantôme qui hante Paula, c'est un démon au combien réel -bien que mort- que doit combattre presque physiquement la nouvelle Mrs de Winter.

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  2. Très bon souvenir de ce Cukor-là.
    Je rajoute que c'est un remake (apparemment inavoué) d'un film britannique du même nom, tourné par Thorold Dickinson quatre ans auparavant et qui est au moins aussi remarquable. Je te le conseille.

    Sinon, je vois avec plaisir que nous nous croisons dorénavant dans les bonnes pages du site "Kinok"...

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  3. @ monsieur de Calbiac: quelle rigueur cet Hugues!...

    @ Edisdead: merci pour l'info, concernant kinok c'est un vrai plaisir pour moi aussi, vous formez un groupe de cinéphiles sacrément cultivés!

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  4. IL semble que la comparaison avec Rebecca s'impose malgré les réserves de Hugues... Je m'étonnes de ne pas voir le titre français, Hantise, qui insiste davantage sur le rendu que sur les moyens techniques.

    Par ailleurs, le noir et blanc vaporeux est tout à fait inquiétant et l'atmosphère subtile...

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  5. Vous avez raison, j'ai oublié de mentionner le titre français. Cela dit ce qui est fascinant dans l'histoire, c'est la force de suggestion et ses procédés, justement.

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