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lundi 17 octobre 2016

La Huitième femme de Barbe-Bleue, d'Ernst Lubitsch


Premier Lubitsch scénarisé par le duo Billy Wilder / Charles Brackett, La Huitième femme de barbe bleue est une comédie de remariage puissance huit. L'histoire est la suivante : une jeune femme (Claudette Colbert) est sur le point d'épouser un millionnaire sûr de lui, joué par Gary Cooper, lorsqu'elle découvre que son futur mari a déjà été marié sept fois. Le film raconte alors le vertige de la reproduction : la fiancée accepte le mariage en vue d'un divorce probable, rejouant volontairement le destin des épouses qui l'ont précédée. Il est amusant de constater que le personnage de Claudette Colbert prend d'abord peur non pas devant le maire ou le prêtre, mais devant le photographe officiel. C'est littéralement la perspective du cliché qui l'effraie. 

Or c'est précisément sur la répétition machinale que joue le film. A commencer par la rencontre entre Claudette Colbert et Gary Cooper dans un grand magasin. Ce dernier souhaitant acheter un haut de pyjama (sans le pantalon), les employés s'en remettent chacun leur tour à leur supérieur, dans une sorte de pyramide de l'absurde. Gag typiquement lubitschien, donnant tout de suite au film une structure en abyme. Tout le film, toute l'histoire d'amour Colbert / Cooper, est une exploration comique de la part reproductible et prévisible du couple : ils doivent jouer tout ce qu'ils ne sont pas pour découvrir qui ils sont.


vendredi 30 novembre 2012

Tunicolor

Ce qu'il y a d'amusant, dans les Tuniques écarlates de Cecil B. DeMille, c'est le fétichisme de la couleur. Ce fut apparemment l'argument commercial de ce film en technicolor, mettant en scène la police montée canadienne qui porte cet uniforme. La couleur écarlate confère aux tuniques un pouvoir magique : c'est d'un côté ce qui soude les troupes dans un sentiment d'appartenance et de loyauté à la couronne, et c'est de l'autre côté ce qui impose le respect, par exemple aux indiens. Couleur sacrée, donc, mais aussi couleur maudite. Il y a toujours ce risque, pour qui porte la tunique écarlate, d'être à découvert face à l'ennemi. Impossible de se camoufler : l'écarlate attire le sang, comme par un jeu de ressemblance. 

L'écarlate peut surgir en des moments inattendus. Gary Cooper enlève sa chemise et révèle un maillot de corps rouge : les canadiens ne tardent pas à lui faire remarquer qu'il est ainsi presque des leurs. Et toujours cette dangerosité de la couleur. Pendant un duel comique entre deux amis (l'un partisan des tuniques rouges, l'autre partisan des métis), l'un des deux perd son pantalon, laissant apparaître un caleçon rouge : il est abattu immédiatement, le face à face passant sans transition du burlesque au tragique.

Dans l'évidence du rouge écarlate, symbolisant dans le film une belle et dangereuse quintessence de la visibilité, on pourra voir toutes les couleurs rassemblées. L'air de rien, sous les traits d'un western mineur grignoté par la comédie, le film nous dit quelque chose de la magie et de l'ambivalence du technicolor.

dimanche 27 septembre 2009

John Doe - paradoxe sur le comédien


L'homme de la rue n'existe pas. Il n'est même pas ce vagabond de Long John, ou alors s'il a les traits d'un joueur de baseball, c'est une balle invisible qu'il lance à son équiper. Meet John Doe (L'Homme de la rue), de Frank Capra, commence dans les locaux d'un journal, premier temple de l'information de masse. Et si sa naissance a l'air fortuite, John Doe est le nécessaire prototype de la population de base ainsi visée. Il est à peu près tout le monde, c'est-à-dire personne.

Créature de marché, marionnette des puissants, c'est à travers John Doe une cible qui est instituée. Pourtant, et c'est toute l'ambiguïté du personnage, le peuple se l'approprie en même temps qu'il s'identifie à lui. Ambivalence et subtilité de la vision de Capra: John Doe est un modèle démocratique qui, même créé par la démagogie mercantile et politique, a quand même ses chances de s'incarner réellement, ou du moins d'incarner les aspirations sincères d'un peuple. Capra n'est pourtant pas un démocrate béat. Il n'y a qu'à regarder la foule essayer de lyncher Gary Cooper, ou même, avec ces deux enfants qui viennent poser à ses côtés pour les photographes, les mimiques grotesques d'une certaine populace. Les citoyens sont parfois aussi laids que les mensonges qu'ils réclament.

Dans l'Homme de la rue, le paradoxe est théâtral et centré sur le personnage de Gary Cooper. Il y a un débat entre la sincérité et la représentation: c'est à la fois un rôle imposé de l'extérieur et une responsabilité que notre héros peut choisir d'endosser - paradoxe de toute société, qui appelle à se réaliser en incarnant un personnage. Tout "average american" modulera son expression, façonnera son visage en fonction du voisin. Aussi est-ce par l'intermédiaire des autres que Long John parvient à une forme, bien précaire, d'équilibre. D'un côté le septicisme salutaire du compagnon de vagabondage, Colonnel, de l'autre l'enthousiasme naïf, mais non sans ambivalence, d'une charmante Barbara Stanwyck.

Bien sûr, ce qui est génial ici, c'est que Capra nous parle pêle-mêle de la démocratie, de l'Amérique et du cinéma. Du cinéma, parce que le problème de cette industrie de masse est le même que celui de la démocratie, qui hésite essentiellement entre le faux et le vrai. Il y a des moments où, à travers le mensonge généralisé, transparaît un visage, un témoignage, de la camaraderie - et c'est ce que parvient très bien à filmer Capra. Y croire, c'est mettre suffisamment de foi dans le cinéma pour donner à Long John la possibilité de devenir l'authentique John Doe.




vendredi 29 mai 2009

Sergeant York, de Howard Hawks - Voyage au bout de la gloire

Sergeant York, de Howard Hawks, a été fait en 1941, au moment de l'entrée des Américains dans le second conflit mondial. Le film, based upon a true story, met en scène un Gary Cooper un peu simple, que 1917 et l'intervention américaine en Europe viennent cueillir jusque dans le fin fond de son Tenessee natal - il se révèle un tireur hors-pair. Avec ce contexte patriotique, on sait à quoi s'attendre. Et Howard Hawks a su en effet rendre un certain génie de l'Amérique patriotique, celui que tout le monde moque trop facilement.

Ce film est l'histoire de trois conversions. La première est celle de l'amour. Mais attention, pas de l'amour passionnel et gnangnan, non, l'amour campagnard du fermier qui doit agrandir son lopin de terre pour pouvoir prétendre épouser sa fiancée. Apologie du travail, de la construction de soi-même par la sueur. Cette partie est très réussie: Hawks y construit sous nos yeux le caractère d'un personnage déterminé. Alvin York doit rassembler une certaine somme d'argent pour acheter ce bout de terrain, et le rythme des petits boulots va crescendo jusqu'à être suspendu, lors d'un concours de tir, à sa dextérité face à la cible. Seconde conversion: la Conversion, c'est-à-dire la révélation religieuse. Elle se passe sous la pluie, pendant un orage. Comme saint Paul, le voilà qui tombe de son cheval, touché par la foudre. Deux conséquences: l'amitié avec le pasteur, qui devient pour lui comme un père, et une légère altération de son caractère - Alvin s'en trouve plus humble, moins emporté. Troisième conversion, la conversion patriotique. Celle-ci passe par la camaraderie et par la découverte de grands modèles américains tels que Daniel Boone (qui n'est pas ch'ti, mais originaire de Pennsylvanie), puis par une réflexion, à la fois sur la Bible et l'Histoire des USA. Scène un peu pompeuse, mais qui a l'évidence pour elle, où Alvin York médite, en uniforme, au sommet d'un rocher sortant du brouillard...

Plus que le schéma idéologique en lui-même - propre aux Etats-Unis: travail, religion et patriotisme -, c'est l'aspect dialectique de son enchaînement qui a son intérêt. L'agressivité du combat vient en rupture avec le pacifisme du croyant, qui s'opposait lui-même au volontarisme du travailleur, antithèse de la débauche du tout premier Alvin York. Howard Hawks rend très bien ces paradoxes qui font à terme la richesse du personnage, dans une forme de synthèse. L'autre grand mérite de la mise en scène réside dans les petits détails, souvent comiques, qui donnent vie à l'ensemble. Par exemple le chuintement des bottes, pendant le sermon du pasteur. Un détail particulièrement savoureux est, lors du concours de tir, le bruit que Gary Cooper fait pour que le poulet lève la tête qu'il s'agit de viser. Un peu comme le personnage de L'Impossible monsieur Bébé imite le mugissement du tigre. C'est d'autant plus drôle que la même technique sera utilisée face à un poulailler d'Allemands. Si c'est pas du patriotisme version Hawks ça!

Enfin il est difficile de ne pas mettre ce film en relation avec Voyage au bout de l'enfer (The Deer Hunter), de Michael Cimino, dont on pourrait dire qu'il constitue l'exact inverse. La structure, en forme d'avant-pendant-après la guerre est relativement similaire, et il y a cette même attention accordée à la vie de la communauté et à la façon dont celle-ci est affectée par des tels événements. Mais de Sergeant York au film de Cimino, la guerre a changé de visage. Elle n'est plus suspendue à l'action habile des soldats exemplaires: elle broie au contraire ses acteurs dans un courant cruel. Aussi la scène, comique, du rapport d'Alvin York à l'animalité (un poulet), prend-elle dans Voyage au bout de l'enfer une teinte majestueuse et dramatique (un cerf). L'action des personnages a perdu de sa portée, de 1941 à la guerre du Vietnam, et le constat a gagné en amertume. On entend pourtant, à la fin du film de Cimino, cet hymne devenu triste, que l'on claironnait encore joyeusement dans Sergeant York.