dimanche 3 janvier 2010

Mia Hansen-Love - la vie après la mort


Le Père de mes enfants, second film de Mia Hansen-Love, déroule une construction linéaire impeccable. C'est que la trajectoire semble dessinée directement par les personnages. Par un personnage en particulier, celui de Grégoire Canvel, figuration de Humbert Balsan, un producteur de cinéma mort en 2005. La première partie ressemble à un long plan-séquence, où l'on marche sur les pas de cet homme passionné, essayant encore de tirer ce qu'il peut de sa société Moon Films, malgré les difficultés, malgré les dettes. Une marche ponctuée par des instants familiaux, havres de paix rendus avec un naturalisme tendre. Après le coup de feu, les trajectoires divergent, se divisent en portaits, mais il y a toujours ces instants familiaux inouïs de vérité.

Dans le combat d'Humbert Balsan, puis dans celui de sa femme, incarnée par Chiara Caselli, c'est aussi le milieu de la production indépendante qui est dépeint. Fait de personnalités passionnées et têtues, parfois aveuglées par leur foi dans l'art d'artistes impossibles - Stieg par exemple, un cinéaste maudit pur sucre -, cet univers est décrit avec mesure, sans propos: on admire, on s'agace, on a l'impression de comprendre.

Mais, à nouveau, c'est dans le personnage de Grégoire, et dans le jeu de Louis-Do de Lencquesaing, que cette description prend tout son sens. Pur instant de vie: dans une chapelle qui fut jadis la propriété des Templiers, Grégoire improvise pour sa famille une petite histoire des Templiers; ses enfants, distraits, quittent un à un l'endroit et il n'y a plus que sa femme qui le regarde, attendrie.

Mia Hansen-Love donne l'impression d'avoir trouvé la mise en scène la moins interventionniste et la plus révélatrice, pour nous donner à voir la fin de cet homme, et la vie de sa famille après sa mort. On peine à parler de naturalisme, tant rien ne tombe dans les traits caricaturaux du "réalisme", mais il y a quelque chose d'un réalisme poétique, dans ces moments qui se cristallisent naturellement en tableaux vivants: d'un côté le visage d'une enfant dans l'eau laiteuse d'une rivière en Italie, de l'autre le visage de Grégoire se reflétant dans un ordinateur éteint.

Cette mise en scène prend une dimension nouvelle après la mort du père, quand l'absence irradie tout le film. Le père n'a jamais été plus présent qu'après sa mort, et Mia Hansen-Love est très forte pour créer des instants de grâce venus de nulle part: c'est par exemple le rituel familial qui conduit mère et enfants jusqu'à la chapelle des Templiers, pour la seconde fois; ou cette joie dans la tristesse quand il faut, dans les ténèbres d'une panne d'électricité, allumer des bougies, comme en procession. Mais la grande réussite de la deuxième partie du film réside avant tout dans le portait de la fille aînée, Clémence (Alice de Lencquesaing), jusqu'à cette fin qui ressemble à une version inverse du générique d'ouverture des 400 coups (l'arrivée à Paris contre le départ de Paris) et qui est pour elle une fin de l'enfance.

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