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samedi 3 octobre 2009

The informant, de Steven Soderbergh


Il est massif, Matt Damon, dans The Informant. Physiquement je veux dire. Il a l'allure, les épaules, les motifs de cravate, la moustache et les lunettes de l'acteur involontaire dans un documentaire sur l'entreprise américaine des années 90. Mark Whitacre, le bon gars du midwest, toujours persuadé d'être dans le camp des good guys - si bien qu'en un sens, il l'est effectivement. Ou pas tant que ça, justement, puisqu'il travaille dans une grande société agro-alimentaire qui, non contente de fabriquer tout et n'importe quoi avec du maïs transgénique, s'entend avec ses concurrents et néanmoins camarades pour fixer des prix à l'international (ce qui est mal et interdit par la loi).

La pesanteur très bien installée par Matt Damon permet à Soderbergh de travestir le film d'investigation en comédie. Il y a certes le FBI, une grande entreprise, un indic, des enregistrements mais les stylos ne marchent pas, le matériel d'enregistrement fait des bruits bizarres, il faut changer la cassette au milieu d'une réunion - comme si ce personnage tout simple était allergique aux gadgets. Ou plutôt: comme si ce personnage transparent était incapable du moindre secret, de la moindre conspiration. Tellement transparent, le héros, qu'on entend ses pensées. Et, surprise: il a beau être dans toutes les situations délicates de la terre, il pense à tout et n'importe quoi, disserte sur la vie et la mort... Bref,un gars brut de décoffrage qu'on a du mal à faire entrer dans le jeu raffiné de l'enquête, de l'infiltration et de la double vie.

Comme toujours avec Soderbergh, il y a les marques du travail de pro - cette comédie était faite pour fonctionner à merveille. Seulement, j'ai eu beau me dire de temps en temps "tiens c'est drôle", je n'ai pas ri une seule fois. Et dans la salle je n'ai pas entendu la moindre amorce de petit rire discret. Non pas que Soderbergh fasse dans un comique trop cérébral: c'est simplement du comique trop peu comique. La carrure du personnage, sa massivité - tout le jeu de Matt Damon - fait finalement que le film s'essouffle sans même tirer parti des situations cocasses (et ce n'est certainement pas le swing en fond sonore, façon Une Nounou d'enfer, qui parviendrait à donner du rythme à cette intrigue mollassonne). Dommage, car Mark Whitacre devient précisément un objet de fascination quand on s'aperçoit qu'il n'est pas si univoque et transparent: on sort de The Informant avec le sentiment qu'on a eu affaire à un menteur de bonne foi.

mercredi 21 janvier 2009

Niul à Che




"Un petit coup de maquillage, commandante?" Cette innocente question posée au barbu, avant qu'il ne prononce un discours barbant, c'est un peu tout le film de Soderbergh.

Il faut dire que le sujet n'est pas commode. A-t-il seulement jamais existé cet Ernesto "Che" Guevara, autre part que sur les t-shirts, autocollants, magnets, tasses, porte-clés et autres pins? Oui, me direz-vous, les images d'archive le prouvent. Voilà la destinée paradoxale de ce personnage représenté, manufacturé encore et encore, partout dans le monde, alors précisément qu'il est censé être (ou du moins représenter, justement) la spontaneïté, la pureté, l'authenticité même de la Révolution. Le rythme de reproduction est d'autant hystérique que chacun croit à la virginité originelle - unique, première - de ces images, de cette gueule d'ange, de ce noyau rayonnant l'énergie révolutionnaire.

Idôlatre de l'image d'archive, faussaire, revendeur de reliques, Soderbergh prend avec ce film un visage franchement détestable. Il fait le choix (c'est au fond le seul mérite de Soderbergh: un choix esthétique par film) de faire comme si Guevara n'était pas devenu un simple modèle d'usine, un simple archétype du produit "révolutionnaire" - ne serait-ce que pour contester, justement, cette réduction.

En ignorant le mythe, la mythologie, en se refusant à pointer toute dissociation entre ce qui s'est passé à l'époque et ce que nous disent les photos, les T-shirts et les Castro, Soderbergh choisit simplement d'ignorer la vérité de l'histoire. Pire: il prétend à l'imagerie documentaire, façon réel-caméra, participant ni plus ni moins à ce fantasme du révolutionnaire pur, vierge et saint. C'est un vrai mensonge qu'il nous fait, un faux authentique, une belle oeuvre de propagande, à la fois communiste et capitaliste.

Et encore, s'il avait réussi à nous faire vibrer avec la révolution... Mais non, même pas. C'est pourtant facile normalement, quand on est du côté des gentils, des gauchistes, d'émouvoir la compagnie! Non, là l'ambiance est plutôt à la révolution conscienscieuse, morale, scolaire, assez chiante en fait.