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lundi 31 décembre 2012

Film de synthèse - L'odyssée de Pi, de Ang Lee

L'Odyssée de Pi fonctionne comme un mouvement de synthèse. Cela commence par le syncrétisme enfantin de Pi (pour "Piscine") découvrant et absorbant une à une les principales religions qui l'entourent : hindouisme, catholicisme, islam (le judaïsme est rattrapé in extremis par le narrateur). Sa famille, propriétaire d'un zoo, doit quitter l'Inde par la mer avec enfants et animaux. Le bateau sombre lors d'une tempête, laissant Pi seul dans un canot avec un tigre. L'animal est issu d'une autre synthèse : il surgit pour dévorer une hyène qui avait auparavant tué un zèbre et un chimpanzé. Le film lui-même est construit sur un emboîtement narratif, un récit à deux fonds : une histoire racontée à l'âge adulte par notre personnage et une autre version racontée par ce même personnage encore jeune homme. Ang Lee mélange aussi les tonalités de son histoire, nous faisant hésiter entre le récit de survie, le conte merveilleux, l'apologue et le trip à l'acide. 

Dans un rêve éveillé, le héros voit dans l'eau se re-dessiner les étapes de son périple, comme autant de créatures sous-marines s'entre-dévorant. La séquence ne mène à rien, sinon à l'épave vide d'un bateau. L'image de synthèse, ici instituée en esthétique, aboutit au vide océanique. Les fluorescences marines sont ambivalentes comme les plantes de cette île carnivore : à la fin il ne reste du héros qu'un vague souvenir, pas plus épais qu'une dent. Ang Lee rêve d'un d'un grand cinéma synthétique qui absorbe le monde, il ne produit qu'un cinéma acide qui ronge son personnage. 

dimanche 4 octobre 2009

Hôtel Woodstock, d'Ang Lee - tu n'as rien vu à Woodstock


Je dois vous faire une confession. Quelque soit mon âge, à Woodstock, je ne suis pas sûr que j'aurais été du côté des jeunes. J'ai honte, mais je crois même que j'aurais été parmi les grognons qui pestent contre l'invasion des chevelus - comme un indigène râlant à l'arrivée des touristes en sandales. Et Ang Lee, apparemment, n'avait pas trop envie de convaincre les ronchons de mon espèce. Il faut la voir, la tête de son Woodstock. Pour vous donner un aperçu, imaginez un week-end d'intégration de business school (en plus chic: on y prend de l'acide, pas de l'alcool) où les étudiants décideraient d'ériger en loi morale leur propre déchéance.

Car c'est ça, Hôtel Woodstock, deux longues heures où la médiocrité d'une génération est auréolée du seul prestige de sa présence oisive et partiellement vêtue. Ang Lee joue d'ailleurs à fond la carte de la nostalgie - avec ses splitscreens inutiles, dans le genre "images d'époque" - et je me sentais presque de trop, moi qui n'ai connu ni les sixties ni les seventies (et à peine les eighties! Mais ça n'a rien à voir.) Ce qui ne m'a pas échappé, en revanche, c'est la curieuse ressemblance de ces silhouettes aux mines hagardes avec les zombies de La Nuit des mort-vivants. Et bien sûr, par analogie, leur ressemblance avec les mort-vivants de la consommation de masse.

Ang Lee ne s'y trompe d'ailleurs pas, en s'extasiant sur la logistique de l'entreprise et l'imaginaire de la marque Woodstock, comme pour mieux ignorer ce qui représente le seul intérêt de l'événement: la musique. C'est toute l'histoire du film, ce personnage d'Eliot qui veut aller au fameux concert qu'il a contribué à organiser, mais qui n'y arrive jamais, tant il est happé par l'euphorie de la foule - en gros, c'est comme une ménagère de moins de cinquante ans, première entre toutes à l'ouverture des soldes, mais à qui la folie de la horde acheteuse fait oublier ce qu'elle était venue chercher. Les divers acides ne font que flatter cet enthousiasme sans motif qu'est l'effet de masse, le mouvement de foule.

Il faut enfin parler de la remarque finale de notre héros face au terrain dévasté et parsemé de déchets (une remarque dépourvue d'ironie, faut-il le préciser): "It's beautiful". Ce bon mot dépasse de bien loin le fameux "Ceci n'est pas une pipe" de Magritte. Rarement un personnage aura aussi bien décrit l'exact contraire de ce qu'il y a à l'écran.