L'Odyssée de Pi fonctionne comme un mouvement de synthèse. Cela commence par le syncrétisme enfantin de Pi (pour "Piscine") découvrant et absorbant une à une les principales religions qui l'entourent : hindouisme, catholicisme, islam (le judaïsme est rattrapé in extremis par le narrateur). Sa famille, propriétaire d'un zoo, doit quitter l'Inde par la mer avec enfants et animaux. Le bateau sombre lors d'une tempête, laissant Pi seul dans un canot avec un tigre. L'animal est issu d'une autre synthèse : il surgit pour dévorer une hyène qui avait auparavant tué un zèbre et un chimpanzé. Le film lui-même est construit sur un emboîtement narratif, un récit à deux fonds : une histoire racontée à l'âge adulte par notre personnage et une autre version racontée par ce même personnage encore jeune homme. Ang Lee mélange aussi les tonalités de son histoire, nous faisant hésiter entre le récit de survie, le conte merveilleux, l'apologue et le trip à l'acide.
Dans un rêve éveillé, le héros voit dans l'eau se re-dessiner les étapes de son périple, comme autant de créatures sous-marines s'entre-dévorant. La séquence ne mène à rien, sinon à l'épave vide d'un bateau. L'image de synthèse, ici instituée en esthétique, aboutit au vide océanique. Les fluorescences marines sont ambivalentes comme les plantes de cette île carnivore : à la fin il ne reste du héros qu'un vague souvenir, pas plus épais qu'une dent. Ang Lee rêve d'un d'un grand cinéma synthétique qui absorbe le monde, il ne produit qu'un cinéma acide qui ronge son personnage.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire