mercredi 20 avril 2011

Fincher, Nolan, Aronofsky - la conquète

C'est par ici.

vendredi 8 avril 2011

True Grit

C’est embêtant, pour me donner des allures de critique vraiment critique, il faudrait que j’arrête d’aimer systématiquement les films des frères Coen(1). Mais je n’y peux rien, c’est plus fort que moi. Je sens d’autant moins le besoin de pratiquer de politique des auteurs que les Coen ne pratiquent guère de leur côté la politique des critiques.

Les frères Coen sont des équilibristes de génie. Equilibristes du comique ou clowns cruels, qui dans leurs films réputés légers (2), comme Intolérable cruauté ou Burn after reading, jonglent avec la farce la plus littérale et les traits les plus ironiques. Mais équilibristes aussi du genre cinématographique, dont on attend à chaque coup qu’ils pervertissent le film noir, le western ou la comédie – alors qu’ils prennent un malin plaisir à rester dans les rails du film noir, du western, ou de la comédie. Au fond, contrairement à ce que voudraient nous faire croire certains historiens téléologistes, et si paradoxal que cela puisse sembler, le cinéma comme art finira par être indifférent à l’idéologie du progrès. Si les frères Coen s’ingénient à essorer leurs récits, à menacer leurs personnages, à tordre les codes, c’est qu’ils font ce que les classiques ont toujours fait pour donner vie à leurs films – et pour susciter l’émerveillement du spectateur.

Emerveillement : j’ai laissé échapper un peu tôt le mot que je voulais accoler à True Grit. Car c’est cela qui caractérise ce conte : le grand ouest vu dans les yeux d’un enfant. Comme le western spaghetti en son temps, mais sur un mode plus ludique, True Grit élève au monstrueux l’univers du western : borgnes sales et alcooliques, accents-borborygmes, cadavres qui pendent aux arbres, cow-boys à cicatrice, serpents, Texas Ranger autoritaires, tout y est. Les Coen réussissent particulièrement bien à mettre en branle cet univers d’abord statique et enfumé. Ils y parviennent en osant les scènes de bravoure, en se jetant à l’eau comme la jeune et effrontée Maddie Ross.

Et cette fugue a un point d’orgue : une chevauchée dans la nuit étoilée, dont la voute est comme une version enchantée du couvercle absurde qui écrasait l’existence, dans A Serious Man. Voilà un héroïsme qui nous consolerait presque des échecs essuyés, films après films, par le peuple maudit des frères Coen.

(1) Deux exceptions pour les films vus : The Barber, barbant, et Ladykillers, tuant.
(2) Ou lourds, selon certains.