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dimanche 24 mai 2009

L'Homme de la plaine, d'Anthony Mann - le paradoxe du cow-boy


Il y a un paradoxe, dans la figure du lonesome cow-boy. Voilà en effet un personnage bien en selle, droit dans ses bottes, en même temps qu'un héros lointain et mythique. On le verrait bien attaché à une terre, à un domaine - à un ranch! -, il reste l'éternel cavalier errant, nomade - déraciné. Beau gosse, il échange des regards avec la belle du village, mais rien ne se fait: il part. Pas de grandes déclarations.

Dans L'Homme de la plaine (Anthony Mann, 1955), James Stewart incarne parfaitement ce paradoxe. Il y a d'un côté le convoyeur venu livrer de la marchandise, celui qui se bat et mord la poussière. De l'autre, il y a un homme aux motifs mystérieux, dont on ne se figure ce qu'il et venu faire en ces terres hostiles que par allusions - par exemple les restes calcinés d'une patrouille de Cavalerie, au début du film. Lockart (Jimmy Stewart) est ici à la fois l'homme qui met les pieds dans le plat, provoque les bagarres, déclenche la catastrophe et l'étranger de passage, à peine arrivé et bientôt reparti, celui qui disparaîtra sans qu'on ne saisisse vraiment qui il est.

Le cow-boy est un insaisissable. Un personnage qui accomplit bien plus qu'il ne s'accomplit. Il est l'action pure et l'inachevé en personne. Il est la raison d'être de l'histoire et pourtant il y participe à peine. Dans un western, le cow-boy est le récit même.

C'est que, plus qu'acteur, le cow-boy joue souvent ce rôle d'agent révélateur. Le personnage féminin s'interroge, dans L'Homme de la plaine: "Que serait-il arrivé si vous n'étiez pas venu?" Toute la question est là en effet. Toutes ces querelles sourdes et ces haines latentes étaient déjà là, mais c'est pourtant notre personnage qui les fait exister, éclater. Sergio Leone puis Clint Eastwood sauront bien reprendre à leur compte cette caractéristique. Avec notamment, pour le second, Pale Rider et L'Homme des hautes-plaines - le cow-boy est auréolé d'une aura mystique, puisque son action pure est révélatrice, apocalyptique.

Dans le film d'Anthony Mann, la tension entre la puissance et l'acte - les émotions et l'action - est magnifiquement figurée par le fusil, cet objet autour duquel tourne toute l'intrigue. Une arme d'attaque et de dissuasion dont la détente a été pressée une fois, à l'origine, pour tuer le petit frère de Lockart et donner lieu à l'histoire.

samedi 18 octobre 2008

Comédie US: le royaume des perdants. (Chapitre 1 - Adam Sandler.)

Ils sont tous losers à leur façon. Trois grandes envolées fantasques retombant comme des soufflés. Trois acteurs américains que l'on voit gesticuler sur les écrans, certains depuis longtemps - l'éternel et inexportable Adam Sandler, l'infatigable Ben Stiller - d'autres, un autre en fait, depuis quelques années seulement, sous les traits du génial patron de la série The Office - Steve Carell bien sûr.

Adam Sandler, c'est le pantouflard adolescent de bientôt quarante ans que la force des chose a érigé en héros d'une histoire. Il a beau n'ouvrir les yeux qu'à moitié et avoir la voix d'un étudiant tiré du lit, l'Amérique en a fait son représentant - au même titre que les Mr Smith ou Mr Deed de Capra. Quand le Mr Smith version James Stewart va défendre une loi au sénat (dans Mr Smith au Sénat, 1939), le Mr Smith version Adam Sandler ira résoudre le conflit du proche orient en se faisant coiffeur-gigolo à New-York (Rien que pour vos cheveux, 2008). D'un peu béta, ce Mr Smith est devenu complètement idiot. Et pourtant, la fonction est la même: Adam Sandler reste le vecteur de fables moralistes, idéalistes au fond, avec l'humour gras pour faire passer.

Une chose a changée cependant. Le spectateur actuel n'est plus un naïf qui ira s'émerveiller ou s'insurger devant les intrigues de la ville, puisqu'il est déjà saturé de fictions et d'images, il a lui aussi ce look de pas réveillé, les yeux rivés à ses écrans. Et sa projection - artificielle et purement virtuelle - dans les personnages d'Adam Sandler sera d'autant plus fantasmée, d'autant plus impossible (il faut le voir nager, faire le dj ou le coiffeur dans Rien que pour vos cheveux...).

C'est là d'ailleurs que s'arrête la comparaison avec les films de Capra: nous parlons d'un acteur, pas d'un cinéaste. Ce n'est plus l'action et sa portée qui nous intéressent, mais le personnage en lui-même, avec sa force d'inertie et l'univers qu'il crée autour de lui. Et ici l'acteur imprime sa marque comme l'aurait fait un réalisateur. La fable passe au prétexte à l'éternelle pérégrination du même personnage: Adam Sandler, c'est-à-dire tout-un-chacun. Peut-être est-il là l'échec. Un personnage éternellement personnage rate son incarnation réelle, reste éternellement dans la paralysie du virtuel. Ça tombe bien, c'est en loser qu'on l'aime Adam Sandler.