mercredi 26 mars 2008

There has been blood


C'est toujours un peu ennuyeux l'unanimité critique. Que le film soit bon ou mauvais. Plein de bonnes critiques sur un mauvais film, cela permet au moins de relativiser l'autorité des journalistes (ce qui, ma foi, ne peut nous faire que du bien.) Quand un bon film fait l'unanimité, c'est une autre paire de manches. Que faire de ces bons films tant encensés qu'on oublie de les regarder?

Eastwood a été traité de tous les noms avant de faire l'objet de toutes les dithyrambes. Et ses films d'avant n'étaient pas spécialement moins bons. D'où viennent les louanges? Qui dirige les cantiques? Il est probable qu'une bonne critique dans le New-Yorker ou le New-York Times garantit au moins une louange bien ficelée, avec ses formules choc, dans Le Monde et au Libé. Peut-être une louangette dans Télérama, où l'on prendra soin, s'il y a le moindre risque, de peser le pour (avec l'impayable bonhomme souriant) et le contre (le même petit bonhomme, faisant la gueule.) Où est passée l'époque où l'on se battait pour les films? Où l'on pratiquait, comme Truffaut, "la critique à l'état furieux"?

Peut-on reprocher à There will be blood l'uniformité de ton de sa réception critique? Probablement pas. D'autant que le film est plutôt réussi. Disons que ce n'est ni le chef d'oeuvre attendu ni l'imposture redoutée. Daniel Day-Lewis compose brillamment, il est vrai, un Citizen Kane sans son rosebud, s'enfermant jusqu'au bout dans une implacable solitude.

Mais bizarrement toutes ces bonnes critiques sèment le doute - et ce doute me coupe l'envie, injustement peut-être, de défendre le film. J'ai malgré moi à l'esprit le soupçon d'un P. T. Anderson complaisant. Adoptant comme on attend de lui un schéma à la Barry Lindon et cultivant sagement les métaphores offertes par le titre (pétrole = sang de la terre; religieux = sang du christ; le tout = sang des hommes.) Cela donne, bien sûr, une esthétique soignée et un film sombre. Sombre comme le sont en ce moment tous les films qui affichent de grandes ambitions et que les journalistes aiment qualifier de "crépusculaires".

A cette tendance, nous pouvons opposer des films imparfaits: le récent Be kind rewind par exemple, comédie de la décompression et du mode mineur. Certes moins ambitieux, ce film a pourtant le mérite de nous faire revenir, à travers sa toute petite forme, à ce qui fait l'excitation initiale du cinéma.

2 commentaires:

  1. Ce film est en effet crépusculaire, il semblerait que ce soit la mode. Pourquoi pas, l'état actuel des choses, et surtout des mentalités, ne peut qu'amener ce genre de création.

    Cependant, je pense que les louanges sont méritées car "There Will Be Blood", hormis l'esthétique sublime, a le mérite de raconter l'Amérique dans ce qu'elle est, dans ce qui en est le ferment.

    Cette relation du religieux à l'entrepreneur montre ici l'ambiguïté de la construction de l'identité américaine: mélange des genres, opportunisme, action au service du divin etc. Le film démystifie les modèles de la grande Amérique, ceux là mêmes qui sont adulés parce qu'ils sont à l'origine d'une Nation. S'il est vrai qu'ils le sont, leur noirceur n'est jamais montrée. Et ici l'esthétique globale du film se sert parfaitement le propos.

    Pas étonnant de retrouver ici Daniel Day Lewis qui avait déjà joué dans "Gangs of New York", film qui s'éloignait de l'image très "Tuniques Bleues" de l'Amérique d'alors.

    Un bon film, très bien filmé.

    RépondreSupprimer
  2. Dis-donc mon ami, crois-tu vraiment que le cinéma américain a attendu P.T. Anderson pour démystifier ses propres fondements? Je crois qu'il n'a même pas attendu les années soixante.

    Cela dit le film offre une vraie vision des choses à travers une esthétique plutôt bien foutue. C'est plus contre les critiques que j'en avais dans cet article.

    A propos du crépusculaire, as-tu vu Unforgiven d'Eastwood? C'est littéralement le film qui a inventé le genre, en moins tape-à-l'oeil. Va faire un tour sur mon article à propos de Jesse James j'en parle un peu.

    Et continue de laisser des commentaires ça donne l'impression d'une grande plate-forme participative et communicative - presque socialiste -, ça rend bien.

    RépondreSupprimer