lundi 25 février 2019

Séances de janvier et de février


Bohemian rhapsody, de Bryan Singer
Pas convaincu par ce biopic en forme de Greatest Hits qui échoue là où il croit réussir - à savoir dans sa volonté de reconstitution à la fois fétichiste et spectaculaire, culminant dans la scène du Live Aid de 1985. Si la ressemblance rigoureuse de cette séquence avec la retransmission de l'époque (soulignée ici) est en effet frappante, la maniaquerie du projet d'ensemble aurait plutôt tendance à vider la musique de sa sève : les titres et les périodes du groupe s'enchaînent dans des montages paresseux, comme dans une mauvaise playlist radio entrecoupée de spots publicitaires. Sauf qu'ici, la pub, ce sont les scènes d'enregistrement qui réduisent chaque chanson à une supposée trouvaille du groupe.

Bodied, de Joseph Khan
Peut-on aimer un film dont tous les personnages sont détestables ? Bodied est une plongée dans le monde des battle de rap, sur les pas d'un personnage de petit blanc, étudiant en littérature, qui voudrait s'y faire un nom. Mais le film met moins en scène les joutes des rappeurs entre eux que le combat qui les oppose aux social justice warriors des campus américains. Une mécanique infernale où s'alimentent mutuellement le politiquement correct et les humiliations déversées au hasard par des poètes du samedi soir. Moraline contre méchanceté cheap : bienvenue dans l’enfer de 2019.

La Mule, de Clint Eastwood
Quel plaisir de voir à nouveau Eastwood trimballer son corps de vieux pour chambrer, sourire, ronronner, grimacer, marmonner, jurer, imiter des personnages de son époque, chantonner un peu à contretemps, dans un film qui ressemble à tout ça à la fois. Ce mode d'être, qui contamine le film, fait penser à un monde perdu qu'il s'agit de reconduire ou de réparer, en répétant les mêmes gestes patients, comme ceux d'un fleuriste qui s'occupe de ses lys d'un jour. Eastwood semble sorti de sa phase crépusculaire : La Mule ne pose pas en dernier film, son modèle est au contraire la répétition bucolique et sereine.

A Cause des filles..?, de Pascal Thomas
Un jeune marié s'enfuit dès la sortie de l'église, laissant la mariée et les convives festoyer sans lui, sur une plage au bord de la mer. Le film est fait de leurs récits qui se succèdent, comme autant de saynètes. On y trouve à la fois le pire et le meilleur de Pascal Thomas. Du côté du pire, une tendance au clin d'oeil graveleux (le sketch de la prof aguicheuse jouée par Marie-Josée Croze par exemple). Dans son versant positif, pourtant, ce côté obsédé fonctionne comme un véritable carburant à fantaisie, qui donne vie à ces histoires improbables, dans un esprit libre et inventif. On retrouve alors l'anarchisme distingué de La Dilettante, et même par petites touches discrètes, son côté mélodramatique qu'il y avait dans Confidence pour confidence. A ce double titre, le sketch avec José Garcia en père de famille nombreuse est particulièrement attachant.

Guy, Alex Lutz
Alex Lutz joue le rôle de Guy Jamet, vieux chanteur de variété fictif, à mi chemin entre Claude François et Michel Sardou, qu'un jeune journaliste décide de filmer après avoir appris que celui-ci était son père. Difficile de définir ce qui fait l'intérêt de cet objet bizarre, sinon le soin et l'entêtement avec lequel il est façonné. C'est le même art du détail dans le jeu de Lutz et dans la confection de ce faux documentaire qui rendent le personnage émouvant : il aurait tout à fait pu exister, et pourtant il n'existe pas.