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samedi 5 décembre 2009

The Road, de John Hillcoat



Chanceux John Hillcoat, qui passe après le 2012 de Roland Emmerich. Chanceux John Hillcoat, qui se laisse porter par le simplissime récit de Cormac McCarthy. Il serait facile de dire que la supérorité de The Road sur 2012 tient au combat de l'épure contre le carton-pâte. Ce n'est pas ça: le décor est une diversion, c'est du sens de l'histoire qu'il s'agit. La grande différence du film de John Hillcoat, c'est qu'il vient après la tragédie: son déroulé n'est ni implacable ni spectaculaire, il est hésitant, fragile, comme lui-même à la merci de la fin qu'il décrit. Cette route-là est assurément un chemin du doute, bien lointain de l'amusante confiance dont témoignent les personnages de 2012. Mais ceci vient de la langue de Cormac McCarthy, des interrogations qui parsèment ses dialogues. Des questions posées pour être sûr qu'on est toujours là, qu'on est toujours vivants, qu'on est toujours des hommes - "are we still the good guys?".

Si apocalypse veut dire "révélation", John Hillcoat essaie bien, en adaptant Cormac McCarthy, de toucher à ce qui reste d'essentiel après la fin. Comme si ses personnages existaient d'autant mieux qu'ils étaient confrontés au rien et au mal généralisés. De fait, eux-même ne sont plus grand chose, et s'ils continuent d'avancer, c'est surtout l'un pour l'autre. Un lien est apparu à l'épreuve du néant. C'est entre le père et le fils que la vie se noue, comme dans une ultime révélation, une dernière alliance.

Pourtant, la révélation en question n'a pas grand chose de cinématographique. Tout se passe dans un respect craintif de l'écrit adapté. Peut-être cela vaut-il mieux. Et pourtant, Hillcoat aurait pu aller jusqu'au bout, dans un sens ou dans l'autre. Soit en acceptant franchement de nous faire entendre le style de McCarthy, un peu comme Bresson l'avait fait pour Bernanos, soit en essayant de faire une œuvre formellement ambitieuse et indépendante. Bref, voici un film qui n'est ni une interprétation puriste, ni une trahison grandiose, mais qui a le mérite d'illustrer convenablement un grand livre.

mercredi 30 janvier 2008

No Country for old men - les formes du destin




Mais qu'allaient-ils faire dans cette galère? Il faut dire que le pari n'était pas sans risque: voler à deux millions de dollars à des cadavres - c'est la faute originelle de Moss dans le roman - ou faire du livre de Cormac Mc Carthy un film noir Coen Bros, ce genre de décision se paye au prix fort. Il en fallait de peu, en effet, pour que les frères Coen ne s'emprisonnent dans les mailles d'un genre, le film noir, ou ne sombrent dans le gouffre de l'oeuvre de Mc Carthy: No Country for old men. Et c'est probablement en faisant les deux à la fois qu'ils parviennent à maintenir, temporairement du moins, le film en équilibre.

On retrouve donc le personngae, traditionnel chez les Coen, du héros condamné par ses propres actes: dans les sables mouvants, agir revient à aider le destin à nous engloutir un peu plus. Se débattre, c'est étouffer. Les frères Coen jouent sur les codes du genre - motels, cadavres dans la piscine, crime scenes (il manque certes la femme fatale) - pour en accentuer la portée tragique. Et Moss n'aura pas le droit à une vraie mort. L'angoisse est abolie par une ellipse qui ne nous livre que la silhouette de son corps déja refroidi.

L'inhumanité du destin a un représentant. Curiosité du film - il est vrai que Javier Bardem est impressionnant -, le personnage est aussi omniprésent qu'absurde. Deux traits tellement soulignés par la mise en scène qu'ils déteignent sur la tonalité du film: qu'est-ce, au fond, que le destin, sinon un psychopathe à coupe de fillette qui se balade, bouteille d'oxygène en main, pour tuer les gens par plaisir? La question en deviendrait presque naturelle.


Mais Chigurh, car c'est son nom, n'est pas qu'une ombre, il n'est pas errant. Son ingéniosité imperturbable est tendue vers une fin précise: récupérer l'argent volé aux morts, ceux du commencement - un peu comme on dit "rendre à la mort son tribut". En cela, en cette impassible obsession qui est toujours là, même quand les choses se compliquent, il s'oppose diamétralement à Moss, dont toute action se perd dans une technique qui produit de nouveaux problèmes à résoudre, de nouvelles situations à débloquer, de nouveaux pièges à déjouer.

Contemplant tout cela en spectateur, comme s'il lisait le journal (il ne manque pas de le faire, pour commenter les faits divers), le shériff Bell ne croit pas dans la fin de son enquête. Rien ne sera dévoilé, tout restera opaque, comme l'obscur récit qu'il fait de son rêve, à la toute fin. Il en est de même pour ce film qui ne se termine pas vraiment. Et ce n'est pas tant le résultat qui fascine, dans ce film intrigant, que l'énergie employée - par Moss, par la mise en scène - à trouver une issue. Peu importe que le film soit abouti ou inachevé: il a la beauté d'une impasse.