vendredi 20 février 2009

Comédie US: le royaume des perdants (épilogue - Jim Carrey au royaume des gagnants)


Rappel: Chapitre 1 - Adam Sandler, Chapitre 2 - Ben Stiller, Chapitre 3 - Steve Carell

Il m'a toujours fait un peu pitié Jim Carrey. Quel mal-être le pousse comme ça à la surexcitation grimaçante, débordante, hors sujet? Surement déprimé. Mal dans ses pompes. Le pauvre, obligé de loucher, de tirer la langue et de se curer le nez pour attirer l'attention. Ce fut longtemps ma sentence quand on venait me raconter les situations loufoques d'Ace Ventura ou, pire, de The Mask. Jim Carrey m'énervait, mais ceux qui aimaient Jim Carrey m'énervaient plus encore.

Ensuite il y a eu de nouveaux registres. Les fameux rôles-à-contre-emploi. Alors que sous les plumes les plus raffinées fleurissait nombre critiques positives, je vis pour ma part la confirmation de mon diagnostic. Enfin on nous montrait le vrai Jim Carrey, le Jim Carrey lamentable, à bout de gesticulations: cerné par le regard des autres dans The Truman Show, ou dépecé de ses souvenirs, de son environnement, de son être dans Eternal Sunshine of the Spotless mind. Je voyais dans ces mises à nu l'aveu pathétique d'un comique courant en vain après une personnalité. L'humour nerveux au marteau-piqueur, le gag poussif, le burlesque avarié, tout ça lui était enfin confisqué. Merci Peter Weir, merci Michel Gondry.

A l'exultation sadique de voir Jim Carrey condamné aux films tristes se mêlait en moi le dégout pour cet être transgenre qui s'essayait même, sans rire, au thriller - avec Le Nombre 23, que je n'ai pas osé aller voir, peut-être aussi parce que c'est énervant de se voir préciser dans un titre que "23" est un "nombre" (comme si on disait Le Bateau Titanic ou Le Conseil Ne le dis à personne...) Je ne fus apparemment pas le seul à me livrer à ces considérations tatillonnes, puisque je ne me souviens pas d'un raz de marée au box-office.

Seulement voilà: tout a changé. Yes Man. Vendredi soir dernier, à l'UGC Georges V, Jim Carrey m'a fait rire à m'en tenir les côtes pendant 1h30. Je n'ai pas su me l'expliquer: j'ai été conquis, en une poignée de minute, par les dents en avant et les zygomatiques faciles de cet ancien blasé. Et je me suis dit qu'elle fonctionnait pas si mal cette stratégie volontariste de la mimique. Mimer le bonheur, c'est commencer à être heureux. L'histoire d'amour colle bien à cette morale de la comédie.

J'ai rigolé comme un tordu au spectacle des distorsions physionomiques de Jim Carrey. Cette constatation me plonge dans la perplexité la plus profonde quant à mon propre rapport à la vie. En fait je crois que j'ai fait mon snob pendant toutes ces années. C'est moche non? Les ai-je même vraiment vues toutes ces comédies avec Jim Carrey? Seulement quelques unes et les yeux aveugles. Il est temps de recommencer à zéro.

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