mardi 21 avril 2009

Un Vitellono, des Vitelloni


I Vitelloni, ou Les Inutiles, pour un des titres français de l'époque. Ils le sont en un sens (inutiles) les personnages du second film de Federico Fellini. Parce qu'ils sont essentiellement passifs. Ou, du moins, parce que leurs actions sont prises dans un mouvement général, un courant, à l'égard duquel ils restent essentiellement passifs. Attention: pas de tragédie grecque, ni de terrifiant fatum - l'ombre du film noir ne plane jamais sur cet inconséquent jeu de situations.

Inconséquent, le mot est lâché, qui décrit si bien le personnage, pas forcément diabolique, de Fausto. On pourrait dire qu'il est le pendant négatif de Gelsomina dans La Strada. Comme elle, Fausto s'accomplit dans l'expression, l'extériorisation. Comme elle encore, Fausto a un visage si facile à déchiffrer qu'il en devient mystérieux. Paradoxe.

Impossible de voir un motif au travers des mobiles trop évidents. Peut-être - et en cela je dirais qu'il s'oppose à Gelsomina - parce que plus qu'inconséquent, Fausto est un personnage inconsistant, donc inconstant. Inconsistant en ce sens qu'il n'est au fond que le visage qu'il compose dans les situations. Celui du bon fils quand il rentre chez son père, de l'amoureux quand il regarde son épouse, de l'amant quand il désire une femme, du lâche quand il cherche à fuir et ainsi de suite. Ce n'est pas un hypocrite - il est réellement, quoique successivement, tous ces personnages, on le voit bien (et heureux le spectateur qui croit ce qu'il a vu.) On le voit bien succomber au charme des situations, quand par exemple, le soir du carnaval, il est séduit par la femme de son patron qui lui lance, sourire aux lèvres, des confetis au visage. Il essaiera plus tard, dans l'arrière-boutique, de mimer ce geste pour charmer en retour. Il laisse les aléas de l'existence décider des traits de son visage.

Fausto n'est pas le seul, il y a plusieurs Vitelloni. Mais ils ont en commun de reconnaître à Fausto un charisme naturel. Charisme qui lui vient évidemment de cette capacité à coller à la situation. Le même trait se décline, dans la bande, sous plusieurs formes: la naïve (Alberto, pour qui le crime suprême est de "faire pleurer maman"), l'inspirée (Léopoldo, le passionné de comédie) et la suiviste (Riccardo, qui se contente de divertir par ses talents de chanteur). Un seul pourtant sort du lot, ne participe pas de cette sainte expressivité latine, il s'agit de Moraldo.

Moraldo est celui qui a le visage fermé. Il est en cela l'opposé de Fausto. Il a le teint sombre et le visage fermé. C'est lui qui sait opposer à Fausto un regard de constance. Il est en fait le seul à refuser d'épouser les aléas de l'existence, à finalement agir, à finalement partir. On a dit que c'était lui, Fellini. Peut-être bien. C'est ce que laisse entendre une voix-off à la fois extérieure et identifiée au point de vue de Moraldo.

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