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lundi 7 mai 2012

I Wish, de Kore-Eda Hirokazu


Article publié chez Causeur.
Les personnages de Kore-Eda Hirokazu sont souvent des marcheurs. Ils l’étaient bien sûr dans Still Walking (2009), un beau film sur les rituels familiaux, et ils le sont plus que jamais dans I Wish, sorti le 11 avril au cinéma. C’est que le cinéaste japonais, surtout connu pour Nobody knows(2004), est meilleur quand ses personnages ont les pieds sur terre. Oublions donc Air Doll (2009), sa gonflante parabole sur une poupée gonflable, et intéressons-nous plutôt à ce grand film de vivants qu’est I Wish. Sur une île du Japon, deux frères vivent séparés, l’un au nord avec son père et l’autre au sud avec sa mère. L’aîné, Koichi, apprenant que le nord et le sud de l’île vont être pour la première fois reliés par le TGV, décide de se rendre avec ses amis au point de croisement des deux trains pour y retrouver son frère et voir, peut-être, se réaliser ses vœux secrets.
Marcher n’est curieusement pas voyager ou s’éloigner, chez Kore-Eda Hirokazu : il s’agit au contraire de parcourir des lieux connus, d’user la route de tous les jours, d’approcher toujours un peu plus le noyau de la vie quotidienne. C’était déjà le principe de Still Walking, où les marches se répétaient comme l’insouciante célébration d’une tradition familiale. Peu importe où vont les personnages et d’où ils viennent : la caméra nous montre juste le chemin qu’ils empruntent pour rester identiques.
De la même manière, dans I Wish, Koichi est constamment en chemin : vers l’école, vers chez lui, toujours sur la même route. Sauf que les trajets instaurent ici un flottement nostalgique : moment de discussion avec les camarades de classes, le chemin de l’école est aussi l’occasion de laisser l’esprit s’absenter, de voir un volcan préparer son éruption, ou même d’appeler au téléphone un frère absent. La marche, plus subtilement peut-être que dans Still Walking, fait cette fois dialoguer la présence et l’absence, l’identité et la différence.

Ce quotidien ritualisé définit d’abord le rythme de I Wish. A travers les répétitions et les rimes visuelles, le film fait dialoguer la vie du frère aîné avec celle du cadet. Mais dans ces habitudes même, quelque chose se prépare et une éruption menace. Il faut comprendre ainsi la rêverie autour du TGV, espoir d’une fulgurance qui viendrait abolir l’incessante répétition de la vie : le train contre le train-train, pour caricaturer. Le récit se met donc en marche vers une autre destination, la journée d’école est raccourcie, la troupe d’enfants part à l’aventure.
Le titre original du film, Kiseki, signifie « miracle ». Il y a dans I Wish une quête de la merveille, de l’événement extraordinaire, qui se trouve joliment retournée au moment du passage du train. Quand tous les enfants crient ce qu’ils souhaitent voir se réaliser – car il est dit qu’il faut prononcer un vœu lorsque deux trains se croisent – Koichi reste muet et laisse défiler devant lui, dans une série de plans courts, des souvenirs proches, précis et singuliers. Pourtant contrepoint parfait, sur la forme, au quotidien ritualisé qui constituait le reste du film, ce moment redonne vie, paradoxalement, à ce même quotidien. Voici donc l’émerveillement rabattu, comme dans La Vie est belle de Capra, à ce qui est déjà là : l’expérience de l’extraordinaire ne vaut que pour donner sa vraie valeur à la vie ordinaire.
Tout cela serait bien banal si Kore-Eda Hirokazu ne parvenait pas effectivement, par des plans parfois magnifiques, à donner prix à ce qui est là, inexplicable comme une fleur, à portée de main pour ces enfants enthousiastes.

mardi 11 octobre 2011

Poupée gonflante

Air Doll, du japonais Kore Heda Hirokazu, est l'histoire étrange d'une poupée gonflable qui prend vie un matin. Ce remake sordide de Pinnochio se veut vaguement poétique : l'héroïne découvre la vie, apprend les mots, tombe amoureuse, ressent tout pour la première fois et parle en voix-off. Bref, "air doll" pour poupée gonflable, mais aussi pour poupée aérienne. On la voit, éternelle perchée, parcourir la ville en quête de réponses, ses postures candides et parfois lascives accompagnées de timides notes de piano.

On voit de loin l'ambition du cinéaste de faire de son histoire quelque chose de vraiment cinématographique, où l'inanimé s'animerait, où l'ombre transparente prendrait chair. Au cas où ça ne serait pas évident, notre poupée rencontre son âme sœur dans une boutique de dvd. Comparé à cette ambition, et à quelques divagations métaphorique sur l'idée de femme objet, le film est d'une vacuité qui confine au pathétique. Kore Heda Hirokazu, qu'on avait connu plus inspiré (si j'ose dire, et moins dégonflé) dans Still Walking, nous sert avec cet Air Doll un film profondément emmerdant - et, pour ne rien arranger, profondément déprimant.

Air Doll- Un film de KORE-EDA Hirokazu. En DVD le 21 septembre 2011. Edité par Océan Films Distribution
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Merci tout de même à Cinetrafic pour ce DVD de Air Doll.
Découvrez sur Cinetrafic la catégorie Film d'amour ou retrouvez les films de l'année 2010 sur la catégorie Film 2010.

mercredi 6 mai 2009

Still walking - la marche des rituels et les rituels de la marche


Pas facile, la vie de famille chez les japs. Entre un fils cadet qui souffre de l'éternelle comparaison avec son défunt frère aîné, et qui n'arrive pas vraiment à faire accepter sa veuve d'épouse, une mère qui ne se remet pas de la mort de son fils, un père qui ne se remet pas d'être le seul médecin de la famille, enfin une fille qui essaie de s'incruster définitivement dans la maison parentale, avec mari et enfants : la réunion famiale que met en scène Kore-Eda Hirokazu dans Still Walking a peu de choses en commun avec une partie de poilade généralisée. D'autant que souvent la caméra n'est pas très légère. Elle insiste. Regardez, regardez donc la tête du cadet quand on parle trop de l'aîné défunt, ou alors: regardez, regardez donc les manières d'un père qui n'arrive pas à exprimer ses sentiments... Un ensemble de sentiments censés être imbriqués, complexes, latents parfois, sont étendus au grand air. Comme le linge, celui qu'on lave ou qu'on a pas le coeur de laver en famille. Un peu schématique et emmerdant, donc, ce système de sentiments refoulés pas tant refoulés que ça.


Bizarrement, si Still Walking est un beau film, c'est comme malgré son projet. Malgré le motif initial que l'on devine plus ou moins, et qui revient en gros à donner à voir l'entrelac émotionel caché derrière les rituels familiaux. J'ai été plus ému par les rituels que par les sentiments. Les moments les mieux filmés sont les instants gratuits, ceux où les enfants jouent par exemple. Il y a aussi les marches, dont les points d'arrivée et de départ importent peu, des marches qui se ressemblent car elles sont toujours la preuve qu'on est encore vivant, qu'on a encore les pieds sur terre, probablement l'un des sens de still walking. La marche comme condition des vivants, mais la marche aussi comme communion avec les morts - c'est le principe de la tradition. C'était là avant et ce sera là après, autre sens de still walking. Communion avec un mort en particulier, le frère aîné, dont l'absence hante tout le monde. Pire que l'arlésienne celui-là.



Plus que de montrer que toutes les familles se ressemblent, qu'il y a des secrets, des non-dits et de l'inachevé dès qu'il y a parents et enfants, la force du film de Kore-Eda Hirokazu aura certainement été de donner à voir la puissance des rites. Et en quoi ils nous dépassent.