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lundi 18 octobre 2010

Arizona dream, d'Emir Kusturica


Alors qu'il fabrique une rampe pour lancer dans le ciel ses avions de bric et de broc, on voit Axel (Johny Depp), le personnage principal d'Arizona Dream, planter des poteaux en se servant d'une grosse clé à molette comme d'un marteau. La mise en scène de Kusturica ressemble un peu à ça: prendre des outils et taper avec, en espérant qu'ils finiront par marcher. C'est à la fois attendrissant et horripilant. Hommage potache au cinéma américain, rêverie potiche d'adolescent, drame existentiel, morceaux de burlesque - non seulement l'harmonie n'est pas recherchée, mais Kusturica prend un malin plaisir à utiliser les genres à mauvais escient. On a la désagréable impression d'un rêve forcé.

lundi 13 juillet 2009

Public Ennemies, de Michael Mann - d'où l'on vient et où l'on va


John Dillinger, c'est un peu le dernier des mohicans de la grande dépression. Dernier grand bandit avant l'avènement et l'institutionnalisation du crime organisé. Encore l'un de ces héros solitaires, qui fourmillent chez Michael Mann, prisonniers d'une modernité grise et métallique. Et la police ne parviendra pas seule à bout de Dillinger: hors-la-loi au pays des hors-la-lois, il ne sera coincé que grâce aux forces conjuguées des fédéraux de la mafia.

Chose surprenante: s'il est un doux rêveur, le personnage brillament incarné par Johnny Depp ne rêve pas, ou que brièvement, à un après idyllique. Pas de futur impossible, cette fois, ni de projection en trompe-l'oeil, comme on en trouve tout le temps chez Mann - que l'on songe aux projets éternellement en suspens du taxi Max de Collateral, ou aux envies de fuite du personnage de De Niro dans Heat. Plus que ça, les intentions de Dillenger resteront pour nous quasiment opaques, en ce que nous le verrons à peine se représenter sa vie future, ou tout au moins les issues possibles. Pour la simple raison que ceux qui s'occupent de cela pour lui, ceux qui s'occupent de représenter, de cadrer, de cerner quelque chose ou quelqu'un, ce sont cette fois les flics, et plus précisément l'un d'entre eux: Melvin Purvis. Il y a à ce titre une scène typique de chasse à l'homme, où le personnage de Christian Bale vise son brigand gibier (un certain Pretty Boy Floyd) à travers les rangées parallèles d'un verger. Le plan a ceci de significatif qu'il donne l'impression que le fuyard, filmé de dos, fait du surplace alors qu'il est en train de courir à toutes jambes. Voici le genre de représentation qui détermine la trame de Public Ennemies: une visée annulant toute profondeur de champ, une ligne de mire interdisant toute perspective de fuite.

Le Dillinger de Michael Mann a, pour nous qui le voyons et pour ceux qui le poursuivent, un aspect insaisissable, hors du cadre. D'ailleurs, le scénario simplissime fonctionne sur un ressort unique et obsessionnel: il fuit, on le retrouve, fussillade, il s'échappe. Il a en face de lui, nous l'avons dit, des gens qui n'ont de cesse de le cadrer, de le représenter comme on mettrait en cage. C'est l'imagerie de la modernité - oppressante comme ces téléphones, ces cables, ces branchements, ces standardistes en bras de chemise, que l'on rencontre à la fois à l'endroit où la police met sur écoute et dans l'antre de l'organisation criminelle. L'imagerie moderne, c'est aussi le mur sur lequel Dillinger se voit représenté avec ses complices, presque tous morts, c'est indiqué sur les photos - de toute façon, on se le dit et peut-être qu'il se le dit aussi, on ne reste pas longtemps vivant lorsqu'on est en photo sur ce mur, c'est bien le principe.

Toute image n'a pas forcément cette odeur de mort. Car il y a bien du rêve, de la projection, dans la relation qui unit notre héros à Billie Frechette (Marion Cotillard). Quand tout le monde se soucie "d'où l'on vient", lui dit-il, il préfère accorder de l'importance à "où l'on va". Ce qu'il propose à Billie, c'est la vie d'aventure qu'il a déjà, ici et maintenant, dans cette trajectoire qui relie le passé au futur. Un rêve éveillé qui n'a pas pour lieu un improbable futur, mais un présent radical, entier et concret. Et ce rêve magnifique a tous les attraits du travail de Mann sur le numérique: une image trop précise, presque télévisuelle, que le cinéaste transforme en matériau pour des séquences impressionnistes - ce sont les pluies de flash et de fumigène, les décharges de lumière des mitraillettes, ou les jeux de phare et de reflet sur les voitures luisantes.

D'ailleurs le peuple ne s'y trompe pas, qui fait de lui un héros romantique, un Robin des bois moderne. Car avec le versant positif de la représentation, il y a le cinéma et la mythologie. A la fin, Dillinger va voir Manhattan Melodrama où il voit Clark Gable marchant fièrement vers son exécution. La scène qui suivra, celle de sa propre fin, aura peu à envier au cinéma d'antan. Il fallait cela, il fallait mourir en beauté, comme au cinéma, pour entrer dans la légende.

dimanche 19 avril 2009

Deux autres William Blake

Deux autres visions. William Blake le poète, de même qu'il entendait les poèmes qu'il s'apprêtait à écrire - sous l'impulsion d'une dictée - était un visionnaire. Un visionnaire au sens propre: il voyait des choses qu'il était seul à voir. C'est du moins ce qu'essaye de rendre évident l'excellente exposition qui lui est consacrée au Petit Palais (celui qui nargue son grand frère d'en face, Andy Warhol avec). Puisqu'il est question de vision, de représentation et d'expression, chez William Blake le peintre, il n'était pas sans pertinence de faire un pont avec le cinéma, un pont sur l'Antlantique en l'occurence, puisque le film projeté était américain: Dead Man, de Jim Jarmusch.



Soyons clairs: Dead Man et le personnage de Johny Depp, encore un autre William Blake, n'ont pas grand chose à voir avec le poète - et encore moins avec sa peinture. Il y a pourtant une forte identité visuelle, dans Dead Man, qui consiste en une vision infernale et grotesque du western. Le noir et blanc cadre bien avec la condition fondamentale de squelette propre aux personnages de cette danse macabre. C'est drôle et terrifiant. Le film, dans sa structure, tend aussi vers une certaine ascèse, avec ses courtes scènes séparées par un simple fondu au noir.

C'est le personnage de Nobody, un Indien poète et franc-tireur, qui tranche dans cet univers. Nobody, et certainement pas le Nobodaddy de Blake le poète dans To Nobodaddy. Nobody n'est certainement pas cette figure absente et honnie du Père. Il joue pourtant le rôle de guide, dans la quête initiatique du personnage de William Blake, mais n'est pas pour autant un père spirituel. Car sa parole, opaque, semble plutôt celle de l'immanence, celle d'une création encore préservée, encore hantée par les "esprits de la nature", pour parler dans le langage un peu new-age des natives américains.


Il est possible de voir, dans cette opposition - entre une civilisation dévastée, pourrie, mort-vivante et un esprit imaginatif, ayant sa propre "vision du christ" et s'inspirant du langage déchiffré dans la nature - le manichéisme qui, selon Pierre Boutang, est propre à William Blake. C'est qu'il y a une certaine cohérence à mettre en scène un William Blake en terre d'Amérique, qui plus est dans le contexte mythique qui est celui du western. Car le mythe, on le voit dans ses gravures, peintures, eaux-fortes, enluminures, représente en tant que fiction fondamentale un échapatoire à l'infernale putréfaction des désirs. Le mythe, c'est la vision, le songe auquel on se doit de donner une réalité. Et l'un des plus grands rêves de l'Europe ne fut-il pas l'Amérique?


Dans Dead Man, le rêve américain a franchement tourné au cauchemar. Peut-être est-cela qui explique le nécessaire dialogue entre Europe et Amérique: l'improbable enfance de Nobody le native en Angleterre, la quête d'identité de William Blake et sa fin dans l'océan, en Amérique mais en route vers l'Europe: l'Origine. Il est permis d'espérer qu'à ce moment-là, William Blake devient effectivement William Blake.


La musique de Neil Young pour Dead Man:

lundi 3 mars 2008

Fast blood for fast food


Sweeney Todd semblait ne rien annoncer de très nouveau. Rien de nouveau chez Burton - encore du gothique émerveillé -, rien de nouveau non plus au cinéma: une comédie musicale, de l'amour contrarié, un tueur en série, du quasi noir & blanc quasi à la mode (quasi déjà ringard?), enfin, bien sûr, du sang, beaucoup de sang.


C'est peut-être à cela que le film doit son efficacité. Burton fait de la forme surannée une machine diabolique. De l'incolore originel, de l'amertume de Sweeney Todd, de ses cernes noires naît un retour d'enthousiasme, un sourire ironique et du sang bien rouge. Dans ce cartoon nihiliste Jonnhy Depp se met à chanter, sur un air à la Walt Disney, que le monde n'a plus de sens, qu'il importe donc si peu de trancher des gorges... En quelque sorte, le spectateur est testé dans sa capacité à croire à l'humanité du personnage central. Et la limite est portée de plus en plus loin.

Burton tire du poussiérieux une substance destructrice. Le technicolore s'est aggloméré, a quitté, dans une fête hémoragique, la surface du plan pour former cette sauce ketchup de l'égorgement en série. Et la relative réussite du film tient au naturel de cet épanchement: la machine existait déjà, sa fonction était presque la même: on passe juste d'une passion à une autre (des histoires d'amour aux histoires de mort.)


Le sang qui gicle redonne trop facilement des couleurs au cinéma moribond. Ce qui est effrayant dans ce film, ce n'est pas que l'on fasse du meurtre la matière première d'un fast food, mais justement que tout ça se fasse si naturellement, comme dans l'aveu que la mécanique avait toujours été faite pour ça.