Affichage des articles dont le libellé est Marlene Dietrich. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Marlene Dietrich. Afficher tous les articles

jeudi 31 décembre 2009

Angel - un Lubitsch grave et sans pirouettes



Surprise: on rit peu devant Angel. De quoi dérouter tout bon adepte de Lubitsch (dont la vie ressemble à un supplice chinois, pour peu qu'il essaie de décider si la meilleur comédie de tous les temps est Haute-Pègre ou To be or not to be.) Il est pourtant bien là, Lubitsch: ses hors-cadres, ses dialogues subtils, ses décors à étages et à pièces communicantes.

On se rend compte, plus que jamais, que Lubitsch joue avec le cadre, avec le contour de chaque plan. Façon de signifier une cloture, un petit univers, en même temps que les criantes limites de cet univers, et implicitement tout ce qui se passe en-dehors de cette cloture. Dans chaque Lubitsch il y a une infinité de petits films, qui sont autant de pièce fermées, mais qui finissent par communiquer entre elles, que ce soit sur le mode de l'explosion, du malentendu, ou de la porte qui claque. C'est de là que viennent la plupart des situations comiques, chez Lubitsch, et particulièrement du fait que ce fonctionnement permet une infinité de nuances dans le sous-entendu, puisque sont présents dans chaque plan tous les autres plans possibles, toutes les autres pièces occultées.

C'est effectivement ce qui se passe dans Angel, mais sur un mode qui est moins celui de la comédie que celui du mélodrame critique. Tout se passe comme si ces incompatibles niveaux de signification allaient vers une collision dramatique. En l'occurrence, c'est - comme dans Sérénade à trois ou Illusions perdues - l'histoire d'un trio amoureux qui crée deux langages d'amour distincts, deux mondes différents, qui finissent pourtant par s'entacher l'un l'autre, jusque dans cette scène finale où la sublime Marlene Dietrich doit choisir entre le mari et l'amant, séparés par une porte. Il y a beau avoir, à un autre étage, le jeu des domestiques (dont on ne se lasse pas, de Haute-Pègre à Cluny Brown), la mécanique d'Angel n'est résolument pas faite d'effets comiques. Au contraire, le monde de Lubitsch gagne avec ce film une gravité qui ramène à l'essentiel le fonctionnement de son cinéma, en-deça justement des effets comiques.

On savait Lubitsch capable de nous faire rire avec ce qu'il y a de plus grave (To be or not to be...), le voici auteur d'un film sérieux sur un motif presque frivole. Peut-être qu'il faudra garder Angel en mémoire quand nous retournerons vers l'ampleur comique des plus grands Lubitsch: nous nous souviendrons ainsi qu'il y a un peu de gravité dans les plus exquis de ses non-dits.

jeudi 23 juillet 2009

Manpower, de Raoul Walsh - de l'électricité dans l'air

Dans Manpower, il y a power (et man). Il est question, en effet, d'une troupe de bonshommes dont le métier est de réparer des cables électiques, perchés en haut de pilones en feraille. A tous les coups, ça ne rate pas une seule fois, quelqu'un tombe ou se prend une décharge. Pas facile, la vie des power men. Alors pour oublier, c'est une autre forme d'énergie, plus anarchique, qui se déchaîne. Deux d'entre eux sont ivres en permanence et font toutes les idioties possibles, les autres rient gras, s'engueulent parfois, se battent souvent.



Puis quand Marlene Dietrich débarque, c'est une autre forme de tension qui s'installe. Face à elle deux camarades, Edward G. Robinson, un petit trapu un peu pataud, et George Raft, un Humphrey Bogart trop lisse, presque efféminé. Cette polarité définira le reste de l'intrigue, le premier se mariant avec la femme convoitée, demi-mondaine en quête d'enbourgeoisement, et le second cultivant ses sentiments avec des bonnes charges d'amour vache. Le visage décharné de Dietrich, ses yeux et son allure de femme fatale, savent très bien maintenir la tension.


Raoul Walsh a réussi, dans Manpower, a faire de cette atmosphère électrique un milieu naturel. On ne sait plus si ce sont les hommes ou la nature qui se déchaînent. Et le film y gagne un côté sauvage, gratuit, comme toutes ces bagarres qui éclatent sans véritable raison, pour l'amour de la castagne.