Ce qu'il y a d'amusant, dans les Tuniques écarlates de Cecil B. DeMille, c'est le fétichisme de la couleur. Ce fut apparemment l'argument commercial de ce film en technicolor, mettant en scène la police montée canadienne qui porte cet uniforme. La couleur écarlate confère aux tuniques un pouvoir magique : c'est d'un côté ce qui soude les troupes dans un sentiment d'appartenance et de loyauté à la couronne, et c'est de l'autre côté ce qui impose le respect, par exemple aux indiens. Couleur sacrée, donc, mais aussi couleur maudite. Il y a toujours ce risque, pour qui porte la tunique écarlate, d'être à découvert face à l'ennemi. Impossible de se camoufler : l'écarlate attire le sang, comme par un jeu de ressemblance.
L'écarlate peut surgir en des moments inattendus. Gary Cooper enlève sa chemise et révèle un maillot de corps rouge : les canadiens ne tardent pas à lui faire remarquer qu'il est ainsi presque des leurs. Et toujours cette dangerosité de la couleur. Pendant un duel comique entre deux amis (l'un partisan des tuniques rouges, l'autre partisan des métis), l'un des deux perd son pantalon, laissant apparaître un caleçon rouge : il est abattu immédiatement, le face à face passant sans transition du burlesque au tragique.
Dans l'évidence du rouge écarlate, symbolisant dans le film une belle et dangereuse quintessence de la visibilité, on pourra voir toutes les couleurs rassemblées. L'air de rien, sous les traits d'un western mineur grignoté par la comédie, le film nous dit quelque chose de la magie et de l'ambivalence du technicolor.
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