Moins qu'un trip sur l'addiction à la Bad Lieutenant, Shame est un film sur la solitude dans la ville moderne. De l'opacité du visage, longuement filmé, de Michael Fassbender jusqu'aux plans qui se cognent aux baies vitrées d'un appartement, au miroir d'une salle de bain, ou aux fenêtres du métro, il y a dans le film de Steve McQueen comme un vide essentiel. "Il n'y a pas de rapport sexuel", comme dit l'autre : le sexe n'est ici qu'une construction solitaire, finissant par se nourrir d'elle-même et de son propre vertige, dans un cycle de répétitions et de rimes visuelles.
Puritain ou non, il est certain que le film est hanté par la notion de péché. Et le péché semble ici une négation de la chair, curieusement absente à l'écran : quelle équivalence plus chrétienne peut-on trouver que celle enchaînant une irréelle orgie sexuelle, vers la fin, au sang bien réel de la sœur dans la salle de bain ? En somme, l'addiction de Brendon est un crime de l'esprit contre le corps, et non l'inverse. C'est la victoire de l'obsession, de l'imagerie mentale, contre le corps qui se donne. En ceci, Shame nous parle autant d'impuissance que d'addiction.
PS : On peut penser ce que l'on veut de cette culpabilité, de cette notion de honte, c'est au moins une émotion qui donne au film une tonalité. Ce dont un film comme A Dangerous method, traitant pourtant de sujets voisins, est terriblement dépourvu.
Bonjour, ce film m'a marqué même si je ne sais pas trop quoi en penser. Il est un de ces films où l'on ne sent pas à l'aise durant tout le film, quelque chose dérange, mais pourtant, je n'arrive pas à savoir quoi. Une impression d'étouffement peut-être.
RépondreSupprimerPour tenter de comprendre, j'aimerai que vous m'expliquer ce que vous dites ici :"En somme, l'addiction de Brendon est un crime de l'esprit contre le corps, et non l'inverse".
Merci, et bonne continuation pour votre blog.
Bonjour Florian, je suis d'accord que mon affirmation mérite un développement ! Que voici : je ne crois pas que Brendon soit présenté comme esclave de son corps. C'est son corps, au contraire, qui semble prisonnier d'images mentales, de vues de son esprit (les corps, la chair, n'ont pas de véritable présence dans le film). C'est pour ça que Shame me donne surtout l'image d'un film sur la solitude et l'impuissance, où le sexe comme addiction, comme espace vide ou irréel, va en fait à l'encontre de la chair et du corps (impossibilité de recevoir le corps qui se donne vraiment). Au-delà de cela, peut-être le film est-il aussi sur l'impossible présence du corps à l'écran.
RépondreSupprimerbravo Timothée. je vais encore la relire 5 fois.
RépondreSupprimerJulien.