A cause d'un film affreusement prétentieux (A tout de suite) et de son actrice affreusement prétentieuse (Isild Le Besco) je m'étais promis de ne plus aller voir de film de Benoît Jacquot. Ces Adieux à la reine valaient-ils la peine de ne pas tenir ma promesse ? Eh bien ma foi, le film parvient à mettre ensemble quelques bonnes idées.
Il y a tout d'abord une séduisante manière de contempler la fin d'un siècle, la fin d'un régime, la fin d'un monde clos - le château de Versailles, la cour et l'arrière-cour de Louis XVI - dans une sorte d'unité de lieu (la prise de la Bastille est racontée par un personnage, un peu comme au théâtre). Au service de la mise en scène de Jacquot, qui semble fasciné par cette atmosphère d'avant le déluge, un luxueux travail sur l'image, qui rassemble la trajectoire de Sidonie (Lea Seydoux), simple lectrice de la reine, et l'opulence de la cour en elle-même. Le personnage de Lea Seydoux est particulièrement réussi en ce qu'il focalise sur Marie-Antoinette ce regard de pure fascination, une forme d'amour dévot, entre érotisation et sacralisation.
La belle photo des Adieux à la reine n'est pas sans ambivalence, et Jacquot prend plaisir à disséminer les signes d'un mal intérieur qui viendrait, pire que les révolutionnaires, attaquer Versailles : avant le grand canal il y avait un marais infesté de rats et de moustiques, sous la galerie des glaces et sous les perruques, il y a des courtisans agglutinées dans des couloirs lugubres. L'idée, quoiqu'un peu téléphonée, donne quelques moments comiques - les aristocrates voyant leurs noms sur la liste des prochains à décapiter - et quelques moments oniriques, où l'indistinction règne entre la veille et le sommeil, puis entre le luxe et la pourriture intérieure.
Cette même ambivalence prend le pas sur la relation entre Sidonie et Marie-Antoinette. Le corps sacré de la reine finit par s'inscrire dans un système de pures apparences, où le travestissement tient lieu d'identité. A cet égard le départ de Sidonie, son adieu à la reine est aussi un adieu à une foi réelle. En partant, elle fait le simple constat qu'un monde, dont la chair n'était finalement si ferme, s'est dissous.
Une autre ambiguïté est celle de Benoît Jacquot : filmant Versailles, adaptant un livre de Chantal Thomas, son cinéma est en plein dans une "qualité française" qui est aussi un monde un part, avec ses décors, ses références et ses courtisans. Mais paradoxalement, quoi de mieux qu'un film à costumes et qu'un argument académique - quoi de mieux qu'un film superficiel - pour jouer avec les illusions d'un cinéma se contemplant lui-même, comme Marie-Antoinette avec ses favorites?
Ton point de vue est intéressant mais pour ma part je persiste : j'ai surtout vu les artifices dans ce film. Artifices qui se traduisent surtout dans les intentions "thématiques" un peu lourdes(le côté "moderne" du film avec ses allusions à l'homosexualité et au côté "pop star" de Marie-Antoinette) et de mise en scène (ces passages "caméra à l'épaule" faisant office de signature d'auteur)
RépondreSupprimerC'est étonnant ce style de conclusion qui donne raison à la forme d'épouser le fond et n'est ce pas un vieux reste de conformisme...
RépondreSupprimerBonjour Dr, en fait paradoxalement je suis d'accord avec ton avis général sur ce type de cinéma, tout en ne détestant pas le film en lui-même. J'ai du mal à défendre le film aussi précisément que tu ne l'attaques.
RépondreSupprimerBonjour Laurence, oui en relisant c'est vrai que ma conclusion relève un peu de la pirouette. Je ne suis pas sûr d'y voir du conformisme, mais je vous accorde que l'argument est superficiel (comme ça la boucle est bouclée!).
Belle critique. En ce qui me concerne je suis parti d'une impression très positive dans la première partie du film pour terminer sur une grosse déception, avec l'impression que Jacquot gâche son talent en se resserrant complètement sur un personnage finalement sans intérêt.
RépondreSupprimerMa critique ici : http://ilaose.blogspot.com/2012/04/les-adieux-la-reine.html