Elle, de Paul Verhoeven
Le mauvais esprit d'Elle, et son humour noir, font penser à la fin de Gone Girl : ce moment où on comprend qu'après leur combat à mort, le couple ennemi va reconstruire une conjugalité monstrueuse, jetant au passage le soupçon sur toute union légitime, pouvant tout aussi bien dissimuler une violence indicible, du sang, un péché originel. Cette dernière notion est familière au personnage principal de Elle, jouée par Isabelle Huppert, qui s'est fait connaître, enfant, pour avoir été indirectement associée à un crime de son père. La faute, transmise par le père, est un préalable au film et au personnage de Michelle, dont on suit quelques dizaines d'années plus tard sa relation avec un agresseur qui s'est introduit chez elle pour la violer. L'idée de péché originel ne dépareille pas dans un film multipliant les signaux religieux, notamment dans le portrait de voisins (Laurent Lafitte et Virgine Efira) en ravis de la crèche. Les moqueries de Verhoeven à l'égard du catholicisme ne sont pas innocentes, puisqu'elles placent le film dans une dialectique de la violence et de la norme : à la violence qui blesse ou transgresse répond celle qui sauve et qui par là devient acceptable, normale. Verhoeven singe ici le paradoxe de la croix, avec la même facilité qu'il caricature la bourgeoisie chrétienne sous les traits des voisins dont on ne sait trop, jusqu'à la dernière réplique de Virginie Efira, s'ils sont des hypocrites ou des réalistes. La légendaire ambiguïté du cinéma de Verhoeven (quant à la vulgarité, dans Showgirls, quant à la propagande dans Starship Troopers, et donc cette fois-ci quant à la violence) tourne quand même un peu à la formule magique.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire