lundi 29 mars 2010

Le Secret magnifique, de Douglas Sirk - la lumière et le contre-jour




Tout commence, dans les Douglas Sirk hollywoodiens, par la séduction du technicolor. Sur un hors-bord avec sa poule, un milliardaire fend la surface d'un lac: Le Secret magnifique s'ouvre ainsi - par l'attrait immédiat de la vitesse (pas encore celle de la lumière, mais l'idée est plus ou moins là). Les couleurs exaltent de beaux personnages, de beaux intérieurs, des émotions subtiles et des sentiments nobles. Sirk semble guidé par une idée toute simple, vieille comme l'antiquité, qui fait converger dans un même éclat, dans un même palette de couleurs, le vrai, le beau et le bien. Impeccable stature d'un film qui semble d'abord livré à la révélation pure, à la pure extériorisation. Les apparences ont l'air d'être parfaitement à la mesure des personnages et des situations. C'est peut-être pour ça qu'on dit "mélodrame flamboyant".

On a beau voir, parfois, que les sentiments sont très appuyés - les émotions surlignées justement par ce technicolor -, il y a aussi en contrepoint de la pudeur. Des instants invisibles et tragiques qui sont autant d'ellipses théâtrales. L'accident de départ traine avec lui une ombre qui va lentement dévorer la lumière ambiante. Ainsi cette scène d'appartement, en Suisse, où l'émotion du personnage féminin est révélée jusque dans le secret de son conte-jour. Une obscurité qui n'est probablement pas sans rapport avec la cécité de cette femme - à cela près que nous restons extérieurs à cette impuissance ultime. Peut-être ce jeu sur la lumière et les couleurs était-il un moyen, précisément, de cultiver le mystère dans les apparences?

Une esthétique à La lettre volée, pourrait-on dire, pour parler avec Pierre Boutang de théories du secret : s'il y a quelque chose à dissimuler, que ce soit dans la lumière de l'évidence. Il y a, dans Le Secret Magnifique, cette manière unique de charger de secret les plans les plus transparents, de cacher par beaucoup de lumière ce qui fait vraiment souffrir. Un déploiement particulier de l'espace, qui n'est pas le même, pourtant, que l'univers d'enquête, propice à la découverte et à la dissimulation, de la nouvelle d'Edgar Poe.

La lumière est enfin une espérance, dans ce film où les événements fatidiques sont repoussés à l'aube. Il est là, le fameux secret, expliqué par le maître, l'initiateur - Edward Randolph - à partir d'une lampe: agir dans le secret pour faire apparaître la lumière. Une lueur dans l'obscurité, de l'ombre dans la lumière : voici la teneur paradoxale de ce Secret magnifique.


2 commentaires:

  1. Il a l'air bien beau ce film !!

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  2. Il serait intéressant de croiser ce point de vue quant à la lumière avec les autres films de Sirk qui, à leur façon, associent tous flamboiement (les tapis de feuilles d'automne, les bouquets de fleurs, les robes de l'époque...) et ambiances lugubres (noir horizon de derricks, crépuscules, ténébreux intérieurs...)

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