Zack Snyder rappelle dès le début de Man of steel que Superman est un alien, né sur une planète bizarre, avec des parents habillés comme des martiens. Superman est un être inhumain perdu quelque part entre Krypton et la Terre : il n'a rien de commun avec l'américain moyen, il n'est pas même un super-héros comme les autres, il n'est qu'un personnage de mauvaise science-fiction à qui on a donné un costume avec une cape.
Le vrai point faible de Superman, c'est qu'il n'a pas de point faible. Comme il ne connaît pas la finitude, sa puissance n'est pas comparable, sa force n'est pas mesurable. C'est un problème pour en faire un personnage (quelle psychologie un tel monstre peut-il avoir ?), mais c'est aussi un problème esthétique (quelle représentation faire de pouvoirs sans limite ?). La réponse de Snyder se trouve dans la démesure : on ne pourra jamais aller trop loin avec Superman, alors allons-y à fond. Cela donne un personnage qui ne ressemble à rien, une narration bordélique (avec des flashbacks inutiles et indigestes), beaucoup de tâtonnements, de zoom et de dé-zoom dans les scènes d'action.
Au milieu de la laideur, et dans l'ivresse de la surenchère, quelques belles séquences surgissent néanmoins. L'usage qui est fait de la vitesse, notamment, est intéressant. L'impression de vitesse n'est valable que par comparaison, pas de mouvement sans points de repère. Mais dans le feu de l'action, le film de Snyder semble vouloir s'affranchir de cette mesure : c'est ce qui lui permet de rendre une poignée de plans incandescents, autonomes et enivrés d'eux-même. Dans ces moments-là, Superman devient un autiste de la vitesse, enfermé dans cette sorte de bulle lumineuse qui n'appartient qu'à lui.
Je partage ton avis sur la faiblesse d'un héros indestructible...
RépondreSupprimerQuelques remarques, malgré tout, si tu veux bien.
Il y a, je trouve, une tentative très paradoxale de redéfinir le héros. Il me semble que Superman, au cinéma (et Singer l'a véritablement consacré avec le précédent film), était jusqu'ici un personnage aussi épais physiquement que fin psychologiquement, plongé dans un univers rétro à la limite du décor de théâtre (les lunettes-costume d'anonymat renvoient aussi à cette dimension) et flanqué d'un costume effectivement ridicule. Et surtout, Krypton était un univers aseptisé, telles les glaces de la Forteresse de solitude, là où la terre était... ben, la terre.
Or, il y a dans cette version de Snyder autre chose : l'univers kryptonien devient plus "terreux" et sale que la terre elle-même, qui se retrouve, elle, souvent représentée par des architectures d'acier et de verre (c'est moi, où tout ce qui est détruit dans le film est d'abord en verre ?). Les codes-couleurs sont quasi-inversés.
Snyder abandonne par ailleurs les faux-semblants de la double identité, en la faisant sauter pour Lois Lane dès le départ, et je trouve cette approche intéressante.
Enfin, concernant les effets de la réalisation, je partage ton analyse. Les flashs-back me semblent néanmoins d'abord des restes de "Nolan-touch" mal digérés, donc effectivement inutiles.
D'accord aussi pour attribuer les flashbacks et cette narration non linéaire du début à Nolan. Je ne suis pas sûr en revanche de son inutilité. Il me semble que cela permet de concentrer davantage l'action (la grosse action) et que c'est tout l'intérêt de Snyder. Peut-être cela permet-il aussi de faire resurgir le père adoptif à des moments clés. Je n'en suis pas convaincu mais il faudrait vérifier.
RépondreSupprimerC'est aussi vrai que jamais aucun Superman n'a été aussi "terreux".
De plus, j'ai apprécié comme toi, Timothée, ces élans, ces lignes droites dans le ciel et sur l'écran, ces passages du mur du son. Les bastons sont pas mal aussi dans leur démesure.
Ce sur quoi j'ai préféré insisté en revanche c'est la lourdeur, la très pesante gravité, du film. Ce qui me paraît aussi inédit pour ce super-héros (et ce n'est pas tant une bonne chose).
@Benjamin, le problème des flashback est leur artificialité. Je suis d'accord qu'ils pouvaient avoir une vraie utilité pour incarner le personnage. Mais ils posent pour moi 2 problèmes :
Supprimer- ils sont lourdingues dans leur esthétique naturaliste en toc
- du point de vue du scénario, ils viennent comme un cheveu sur la soupe et échouent totalement à construire le personnage
A voir en effet si le père adoptif joue un rôle dans des moments précis, mais si on ne s'en aperçoit pas naturellement, c'est mauvais signe...
Enfin, sur la lourdeur, oui c'est vrai. C'est d'ailleurs paradoxal : un héros désincarné qui pèse des tonne, il fallait le faire!
@ EP, je suis tout à fait d'accord avec toi, il y a quelque chose d'intéressant dans la manière qu'à Snyder de prendre le super-héros à l'envers. Il y a dans tout le film la question de la gravité : vers où nous emmène la gravité, vers quel chez soi ? En l'occurrence, l'originalité de Superman est que ce chez soi est moins clairement défini que, par exemple, celui de Spiderman (qui est un humain parmi les autres). Bref, il semble dès lors que l'inversion, ou du moins la confusion, entre Krypton et La Terre est tout à fait logique. Là-dessus, je trouve que Snyder voit juste. Mais c'est aussi ce qui le conduit à faire un film de science fiction plus qu'un film de super-héros.
RépondreSupprimerComme tu dis il abandonne tout le côté irrésistiblement romantique de la relation Lois / Clark, qui était le dernier truc qui rattachait Superman à la terre ferme...
Tout ça pour dire que je trouve ça logique par rapport au personnage de superman, mais que finalement ce personnage n'est pas si intéressant que cela. Peut-être ne fallait-il pas essayer de le prendre au sérieux comme cela a été fait sur Batman.