La forme du poème narratif rend To the wonder fascinant à deux niveaux. Premièrement, c'est une alternative à l'horizontalité, narrative et esthétique, à laquelle nous sommes habitués : la caméra en mouvement est moins là pour avancer ou reculer que pour rassembler verticalement le sol, le corps des personnages et le soleil. Cette forme d'héliotropisme permet au film de tenir debout, plan après plan. On ne sait trop comment, Terrence Malick arrive à contempler le ciel sans tomber dans un puits. Deuxièmement, d'autres types d'énonciations peuvent venir se substituer à cette narration partiellement abandonnée. Ce sont ces fameuses voix-off de personnages, des voix qui disent "tu" par-dessus les plans. L'acte de filmer semble plus que jamais un geste pour le cinéaste, c'est-à-dire à la fois un mouvement et une adresse à quelqu'un.
En radicalisant certains procédés de Tree of life, dont ce film constitue une sorte de post-sciptum, Malick veut parler d'amour comme d'un sujet impossible, indicible, sinon par une question tautologique : "qu'est-ce que cet amour qui aime?" L'amour ne peut pas être autre chose qu'un fondement mystérieux et paradoxal qui se dérobe dès qu'on l'envisage, à la manière de ces sables mouvant du Mont Saint-Michel. L'amour est par excellence le sentiment qui met sens dessus dessous, qui immerge, qui permet d'explorer avec un œil nouveau et une caméra infiniment mobile, les corps, les arbres, les paysages, les lieux de vie et les visages.
Dans l'un de ses sermons, le personnage du prêtre fait l'éloge du choix, disant qu'il n'y a pas pire péché que la peur du péché et donc l'absence d'audace, d'engagement, de décision. Cette profession de foi semble tout à fait valable pour un artiste. Plutôt que les minutes de trop, ou tel motif d'agacement quant au jeu d'Olga Kurylenko, il faut retenir l'audace d'un Malick qui donne l'impression de redéfinir son film à chaque plan. Il est très étonnant d'entendre que le cinéaste "s'enferme" dans quelque chose, il donne au contraire l'impression d'entrer dans une grande période de liberté.
Difficile d'entrer dans ce très beau poème narratif mais dès qu'on accepte de se laisser porter par ce tourbillon d'images ultra-maîtrisées l'émotion affleure.
RépondreSupprimerCertes, c'est un peu long pour un poème contemplatif mais le film vaut mieux que ce qu'en pensent les habituels médisants de Malick.
Beau texte.
Bonjour Sylvain, oui je suis d'accord, et je suis curieux de voir quelle direction va prendre le cinéma de Malick !
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