Lincoln. Nous n'en voudrons pas trop à Spielberg de nous avoir imposé un film long, spectral et statique, car nous nous souvenons encore de cet art vivant du raccourci et de la fluidité numérique qu'il avait inventé pour Tintin.
Lincoln est un dieu, une apparition, une statue, le progressisme en chambre, soit. On est d'accord pour imprimer la légende, mais quelle légende? Ce n'est ni celle du personnage historique, ni celle du génie politique. Car il est difficile de vibrer, même quand on veut être dans le sens de l'histoire, aux discours de ce père de famille moralisateur qui se balade avec un plaid sur les épaules et ne manque pas une occasion d'humilier les pauvres pégus rétrogrades. L'analyse politique ne fonctionne pas non plus : quelle subtilité y a-t-il dans ce parlement américain, carnaval où chacun porte le même masque caricatural du début jusqu'à la fin ? S'il s'agit d'explorer les rouages de la démocratie, façon Tempête à Washington, c'est affreusement raté. Spielberg ne parvient pas à construire le moindre personnage qui ne soit pas symbolique. On croit un instant que celui joué par Tommy Lee Jones va exister, mais il est aboli par une ridicule pirouette de scénario.
Le Lincoln de Spielberg se contente donc d'être un fantôme qui apparaît pour raconter des anecdotes. C'est-à-dire une légende sans contenu, une aura flottante, une image filmée comme telle. La seule certitude qu'on a en sortant du film, c'est qu'il ne s'est rien passé. Et si, entre Tarantino et Spielberg, le plus inconséquent avec l'Histoire n'était pas celui que l'on croit?
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