dimanche 20 décembre 2009

The Visitor, de Thomas McCarthy


The Visitor (2007), de Tom McCarthy, raconte l’histoire d’un universitaire guindé, dont une vie studieuse a sérieusement érodé la joie de vivre. Ce personnage est incarné par Richard Jenkins, dont le mérite est de n’avoir strictement rien besoin de faire pour signifier l’allure rigide, la mine fermée et la peau travaillée par le labeur de bibliothèque. Cet universitaire, donc, voit sa vie changée quand il se retrouve en cohabitation forcée avec un couple de colored people : Zainab est sénégalaise, Tarek est syrien. Tout ça jusqu’au jour où, pour une sombre histoire de tourniquet de métro mal négocié, Tarek est menacé d’expulsion.

Tous les ingrédients sont là pour un gentil mix entre le film concerné sur l’immigration et celui du genre « quand un vieux bougon réapprend à vivre ». Et il y a de ça effectivement : l’universitaire, bien sûr, est vite déridé – il se rend compte que les séances de tam-tam, comparées aux colloques universitaires, c’est quand même sympa – et nos deux illégaux, bien sûr, sont des personnes remarquables et remarquablement intégrées. Au fond, cette vision enchantée pourrait tenir, seulement il y a quelque chose de gênant dans cette mise en scène trop calme, trop sérieuse, trop didactique pour être vraie. Si ce film ne gardait pas ma sympathie je dirais même qu’il y a quelque hypocrisie, jusque dans la forme, à présenter en drame social l’histoire d’une amitié – ou alors l’inverse : à résumer dans une relation de personnes tous les enjeux de l’immigration. Bref, la faiblesse de ce film réside dans la tiédeur d’une mise en scène qui ne fait ni complètement du mélodrame, ni complètement du réalisme social, ni complètement les deux.

Pourtant, cela même qui est agaçant fait aussi, en un autre sens, la force du film de Tom McCarthy. Quand Walter, notre universitaire, va visiter Tarek, il entre par une porte coulissante dans un sas, et c’est sous le regard d’une caméra de surveillance qu’il voit la première porte se fermer, avant qu’enfin l’autre ne s’ouvre. Cette situation intermédiaire, cet interminable seuil, telle pourrait être la représentation de l’Amérique, dans ce film, en même temps que celle du cinéma. Peut-être justement que Tom McCarthy a bien dit les choses, a exprimé une saine mélancolie, en filmant sobrement une histoire hollywoodienne (ou le contraire là encore), comme pour faire apparaître un rêve perpétuellement tenu à distance. C’est le même voyage qu’a l’habitude de faire le couple, qui connaît New-York de l’intérieur mais prend le large à l’occasion pour en considérer l’extérieur. Et, dans The Visitor, cette situation désigne bien l’ambiguïté d’un cinéma qui n’est qu’une projection, une précarité : un endroit dont on sait qu’on va devoir partir.


3 commentaires:

  1. Rien que la bande d'annonce m' hérisse le poil... L'hypocrisie vient tout simplement, de ce que les scènes qui s'apparentent vaguement au réalisme sociale n'ont rien de réaliste et sont noyés dans un océan de clichés. Franchement le jumbé, faut pas abuser... Il y a aucun travail sur la barrière du langage, ne serait-que cela.
    C'est l'équivalent cinéma d'une brochure d'une agence de voyage proposant un voyage humanitaire de deux semaines au Congo.
    Pathétiquement politiquement correct.

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  2. Je suis contente que tu aies enfin vu ce film! Ca fesait un bout de temps que je voulais ton avis; et voilà c'est fait. Ma journée est réussie! Je ne m'oserai pas à un commentaire sur le film (peur du ridicule peut-être!) mais je dirai juste que j'ai bien aimé.

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  3. Bonsoir Timothée, la tiédeur de la réalisation ne m'a pas gênée. Cela ne sombre pas dans le mélo: c'est bien. En revanche, la dernière séquence avec le professeur qui joue en reprenant le flambeau du jeune m'a émue. C'est politiquement correct peut-être mais c'est un Américain qui l'a fait. Elle n'est pas vu sous son meilleur jour l'Amérique. Bonne soirée.

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