jeudi 18 avril 2013

Motion et émotion - The Grandmaster, de Wong Kar Wai

Après une première partie doucement ennuyeuse, The Grandmaster nous offre une magnifique scène de combat sous la neige, sur le quai d'une gare : le train s'ébranle, dans un mouvement qui se détache de la chorégraphie des combattants, tout en l'accompagnant. La contemplation des gestes est troublée par le déplacement du point de repère qui permettait de les apprécier. On peut considérer ainsi la singulière expérience du temps qui nous est donnée par Wong Kar Wai : non pas une texture élastique à force de ralentis, de flashback et d'arrêts sur image, mais une expression en relief de la relativité du mouvement, toujours dépendant d'un point de vue lui-même mouvant.

Il est question, dans l'un des dialogues de fin, de la vie qui n'aurait pas la même saveur sans les regrets qu'elle nous laisse. L'histoire que nous raconte The Grandmaster n'est jamais vécue directement, mais toujours à contretemps, dans le prisme du regret ou de la rétrospection (c'est ce qui rend souvent le film difficile à suivre). Wong Kar Wai est moins fasciné par l'instant décisif, comme on le croit d'abord, que par son enveloppe temporelle : la manière dont il se déforme en se miroitant dans le reste du film. Une fois toute l'action accumulée, la dernière partie du film n'est qu'un long soupir. Le contrecoup d'événements passés qui s'envolent dans un nuage d'opium. On repense à 2046, ce film poignant qui avançait comme ça, hérissé de toutes ses directions possibles, sclérosé par les souvenirs et le regret.


3 commentaires:

  1. Joli texte mais je ne suis pas aussi enthousiaste que toi. Toute la dimension mélancolique que tu soulignes me paraît effectivement la dimension la plus intéressante du film. Mais malheureusement, elle est noyée dans trop d'afféteries et de joliesses qui desservent également les combats de kung-fu. WKW se prend un peu trop au sérieux et se contente de plaquer artificiellement sa griffe sur un genre ultra-codé. C'est dommage...

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  2. Ça alors, un commentaire sur mon blog, salut dr !

    Je suis allé voir ton article, et en fait je suis plus ou moins d'accord avec ton commentaire : sur le plan des combats et de la chorégraphie, il y a quelque chose qui cloche. A tel point que je me suis vraiment ennuyé au début du film : ça sent le procédé, il n'y a aucune légèreté, on se lasse bien vite des zooms sur le bord du chapeau de Tony Leung.

    Mais je trouve que WKW finit par transformer les combats en quelque chose d'autre : il y a une forme de déclic dans la scène à côté du train, qui complexifie notre vision du mouvement. A partir de là, j'ai été passionné par le film et par cette mélancolie qui fonctionne comme un miroir déformant. Bref, je suis sorti plutôt emballé alors que ça n'était pas gagné...

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  3. Bah c'est vrai qu'on ne commente pas souvent sur les blogs mais ça ne m'empêche pas de lire régulièrement tes notes :=

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