Julieta, de Pedro Almodóvar
Un très beau mélodrame de mères et de filles. Julieta écrit dans un cahier pour raconter à sa fille son histoire d'amour avec son père Xoan. Ce récit occupe la majorité du film, lui donnant à la fois son souffle et sa morale : former une famille, être responsable du bonheur des siens, passe par un devoir de mémoire et de vérité. La mémoire est ce qui tantôt sépare, tantôt unit les trois générations de femme mises en scène. Quand Julieta visite sa mère souffrante, leur retrouvailles tient à ce fil ténu qui se ravive dans une émouvante scène nocturne. Le devoir de vérité donne au film une tonalité d'enquête, faite de révélations suspendues avant d'être accomplies. Almodovar joue sur les étoffes recouvrant des corps : une chemise rouge dès le premier plan, un linge blanc cachant le corps d'un naufragé, et la serviette recouvrant puis dévoilant le visage d'une nouvelle Julieta au coeur du film.
Ma Loute, de Bruno Dumont
Après P'tit Quinquin, c'est encore une comédie que propose Bruno Dumont - une comédie d'un genre indéfinissable, qui ne relève ni de la satire, ni du burlesque pur et dur. Il est symptomatique qu'à la fin du film les personnages lévitent ou s'envolent : l'image est fidèle à un film qui voudrait ne s'accrocher à rien. Et ne rien donner à quoi s'accrocher. C'est dans un flottement perpétuel que les personnages passent d'une grimace à une autre, d'un sexe à un autre, d'un lien familial à un autre Et si néanmoins tout se tient, en autarcie, c'est grâce à la mise en scène de Dumont qui porte jusqu'à l'abstraction les traits les plus burlesques ou dramatiques de son petit monde. Un exemple frappant est le jeu de Lucchini, sa démarche qu'on ne peut rapporter à rien de connu, ses exclamations dérivées du "c'est énorme" ou du "c'est sublime" qu'on lui connait, mais réduites à des demi-mots ou symbolisées par d'allusives simagrées. Voir Ma Loute, c'est un peu comme lire Bouvard et Pécuchet : on est ébloui par le geste, sa précision, sa drôlerie, sa radicalité - on savoure tout en sachant qu'on ne reviendra probablement pas une seconde fois.
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