lundi 7 février 2011

Corps et décors du roi


C'est tout de même dommage, un film qui s'appelle Discours d'un roi, cite Shakespeare toutes les trois secondes, et qui oublie de sonder la portée d'une parole royale, ou de mesurer le poids d'une couronne.

Au début il y a bien le corps du roi. Le visage rosé, la peau d'anglais d'un Colin Firth engoncé dans ses vêtements gris. Une bouche toujours figée dans la grimace, une moue qui est un peu plus que du flegme britannique. Et quand les mots se refusent, le bonhomme est seul devant la forme improbable du micro, les yeux de la foule renvoyant son royal hoquet à un silence encombrant. Ce n'est pas un orthophoniste qu'il faut voir, c'est un coach sportif. Notre roi en bras de chemise fait des exercices, s'essouffle, rougit, rugit. Entre le corps miséreux du prince et le corps glorieux du roi, il y a ce chemin balisé du bégaiement à la parole que le film de Tom Hooper nous fait emprunter paisiblement.

L'ennui vient avec les décors. Comme dans l'appartement du docteur Logue, il y a dans Le Discours d'un roi un effet papier-peint. Les reliefs sont soigneusement aplatis, les murs soigneusement décorés. De manière pertinente, me direz-vous, pour parler de la vie lambrissée d'une famille royale avec ses frises de conventions. Mais le théâtre que nous avons-là est bien grossier, les visages sont déformés, et Churchill a mauvaise mine. Les corps perdent en relief et notre histoire de roi bègue perd en profondeur. On se fourvoie dans les confidences psychologisantes d'un prince pincé par sa nounou, grondé par son papa, corseté par l'héritage de son rang.

A aucun moment, la question du mutisme et de la parole ne dépasse en portée le petit théâtre de la cour. Plus qu'un moyen de communication, la radio devient à la fin du film l'occasion d'un confinement (la petite salle aménagée par le docteur Logue) et d'un aboutissement personnel tout juste sympathique. Pas plus? Non, pas plus.

6 commentaires:

  1. et bien vous voyez l'intérêt de ce film c'est de montrer que quelqu'un qui a un syndrome de déficience posturale peut être rééduqué par des méthodes posturologiques...se faire entendre d'une façon non conventionnel est parfois entaché d'un discrédit...que ce soit le dysphasique ou le posturologue il faut beaucoup de volonté...

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  2. Une catastrophe, je ne trouve pas d'autre mot pour ce machin à oscars. Lisse, conventionnel, consensuel. Il y avait pourtant de quoi un peu faire même sans être très original : la puissance de la parole ; l'importance d'être un acteur pour tenir un rôle public... Mais, tout ceci est juste évoqué, même pas effleuré. Il y a tout de même un moment - et un seul - de cinéma dans ce film : il s'agit de l'extrait des actualités nazies. Là, oui, on voit que le Verbe est pouvoir et il y a une vraie mise en scène. Cela a le mérite de rappeler que le cinéma peut être (mieux) utilisé pour faire des choses infiniment pires que ce film qui sera vite oublié. Et, cela veut tout dire aussi concernant la qualité de ce Discours d'un roi...

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  3. Je ne serais peut-être pas si violent. Même s'il est vrai que l'enthousiasme autour de la chose est énervant, pour un film qui passe à côté de tant de choses...

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  4. Peut-être ma réaction est-elle pour partie liée à l'enthousiasme lié au film, il est vrai. Mais c'est également certain que le film ne traite aucun des enjeux - intéressants - qu'il aborde. Ne reste alors que des performances d'acteurs - plus énervantes qu'impressionnantes, à mon goût - et le sujet lui-même (un bègue qui apprend à parler) qui n'est tout de même pas bien passionnant, moins en tout cas que celui d'un petit thriller, fut-il médiocre.

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  5. Le royal affront dont est victime "le discours du roi" en ces colonnes est, hélas pour lui, le même du côté de chez wam. "Sympathique" : le mot est lâché en conclusion. C'est aussi celui qui me vient à l'esprit pour couronner ce tiède biopic.

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  6. @Princecranoir, merci pour votre passage, après lecture de votre article, il semble en effet qu'on a eu la même impression...

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